Selon un Somalien représentant d'un groupe de réfugiés, l'intégration locale est la meilleure solution en Afrique du Sud
Selon un Somalien représentant d'un groupe de réfugiés, l'intégration locale est la meilleure solution en Afrique du Sud
JOHANNESBURG (Afrique du Sud) – Alors qu’Amir Sheik, le Président national du Conseil communautaire somalien d’Afrique du Sud, entre dans son bureau, le visage défait de ses compatriotes renforce sa détermination à promouvoir l’intégration locale, l’une des trois solutions durables proposées par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et une réalité pour la plupart des réfugiés somaliens en Afrique du Sud.
Il compte parmi ses clients des réfugiés inquiets au sujet de leurs chances de réinstallation à la lumière de ce que de nombreux défenseurs de la cause humanitaire appellent la montée de sentiments anti‑immigrants dans certains pays occidentaux, et des personnes qui craignent l’apparition, une fois de plus, de sentiments xénophobes dans les townships sud‑africains.
Un prospectus récemment distribué et appelant à une manifestation contre les « immigrants illégaux occupant des emplois » a conduit au brigandage et au pillage de magasins appartenant à des Somaliens dans le township d’Atterridgeville à Pretoria‑Ouest.
De plus, selon certaines informations, 14 commerçants somaliens ont été tués, gratuitement, dans le township de Khayelitsha, au Cap. Du coup, les réfugiés n’ont jamais eu aussi peur.
Malgré tout, alors que les Services de police sud‑africains poursuivent leur enquête sur les meurtres à Khayelitsha, Amir Sheik ne demande pas la réinstallation de la communauté somalienne. Il insiste plutôt sur le fait que le moment est venu de promouvoir une intégration efficace des réfugiés somaliens dans les collectivités où ils vivent et exercent leurs activités.
En ce concerne la situation à Khayelitsha, Amir Sheik et les chefs d’entreprise somaliens dans le township rencontreront les responsables des structures commerciales locales, des représentants de la Ville du Cap, les Services de police, le HCR, des organisations de défense des droits civiques et des citoyens inquiets pour concevoir un plan qui visera à garantir la sécurité de toutes les personnes qui vivent dans le township.
De plus, selon Amir Sheik, la communauté somalienne doit faire plus pour promouvoir concrètement son intégration partout en Afrique du Sud, sans laisser la responsabilité uniquement au gouvernement, au HCR et à ses ONG partenaires, dont la mission est d’assurer la cohésion sociale.
Il donne comme exemple le comportement de Somaliens ultraconservateurs qui, pour des raisons religieuses et culturelles, ne serreront pas la main où, dans le cas de commerçants, ne toucheront pas la main d’un client lorsqu’ils acceptent de l’argent ou rendent la monnaie.
« Dans le contexte sud‑africain, et à cause de l’apartheid, cela est interprété comme un homme noir provenant d’un autre pays d’Afrique, qui fait preuve de discrimination et regarde de haut un homme noir dans son pays natal. Cela suffit à contrarier la personne la plus tolérante.
« Si nous ne tenons pas compte de la dynamique sociopolitique qui a façonné la psyché de la société dans laquelle nous vivons et travaillons, nous ne pourrons que commettre des erreurs inutiles, qui, pour nous qui sommes réfugiés, auront peut‑être des conséquences catastrophiques. »
Amir Sheik estime aussi que l’utilisation du mot « xénophobie » comme raison passe‑partout expliquant toutes les disputes entre des réfugiés somaliens et des Sud‑africains est dangereuse.
« Il y a au moins 2 000 commerces de proximité appartenant à des Somaliens dans Khayelitsha et ses environs », dit‑il. « Si, selon la définition du mot « xénophobie » dans le dictionnaire, les gens nous détestaient autant, il n’y aurait aucun commerce appartenant à des Somaliens dans le coin.
« Lorsque l’on utilise le mot « xénophobie » commodément pour expliquer ou justifier toute mésentente entre les réfugiés et la collectivité d’accueil, on continue d’accroître la distance qui les sépare. »
Amir Sheik est convaincu que de nombreux problèmes qui dressent les commerçants somaliens contre les collectivités locales peuvent être réglés par les deux parties, si tant est qu’elles veuillent les régler. Il entend travailler avec sa collectivité pour obtenir sa coopération et sa participation.
Selon lui, la réglementation des activités commerciales et l’application des arrêtés municipaux sont deux choses que les réfugiés somaliens doivent accepter, entre autres, s’ils veulent continuer de savourer les fruits de leur protection en Afrique du Sud.
« Nous n’avons pas le choix et pour notre bien cela constitue, à mon avis, la meilleure des solutions durables. Cette solution est meilleure que le rapatriement volontaire ou la réinstallation ; des milliers de Somaliens réclament leur réinstallation, mais ils ne l’obtiendront jamais. »
Amir Sheik estime que le niveau de stress, de désespoir et de frustration concernant la réinstallation des réfugiés somaliens en Amérique du Nord, en particulier, a énormément augmenté ces dernières semaines.
Il ne minimise pas l’importance de la réinstallation comme instrument de protection, mais il considère que les réfugiés devraient faire preuve de réalisme et comprendre qu’il s’agit d’une solution pour une infime partie des personnes relevant de la compétence du HCR.
En 2016, sur environ 42 000 réfugiés somaliens présents en Afrique du Sud, 956 ont été réinstallés aux États-Unis. Quatre‑vingt‑six (86) ont été réinstallés dans d’autres pays, notamment au Canada et en Finlande.
« Pour les situations prolongées de réfugiés, comme la Somalie, dont les citoyens, depuis près de 30 ans, doivent fuir, il faut investir davantage dans l’intégration locale. Personne ne doit être condamné à être un réfugié éternellement », déclare Charlotte Ridung, responsable du sous‑bureau du HCR en Afrique du Sud. « Les réfugiés doivent aussi faire un effort pour s’adapter aux cultures locales. »
« Pour les situations prolongées de réfugiés, comme la Somalie, dont les citoyens, depuis près de 30 ans, doivent fuir, il faut investir davantage dans l’intégration locale. »
Le HCR contribue à l’intégration locale des réfugiés, par l’intermédiaire de deux ONG partenaires, Aresta et Zoe‑Life, dont la mission est d’assurer la cohésion sociale. Ces ONG collaborent avec les administrations municipales, les autorités locales et, à l’occasion, les responsables politiques locaux pour régler les problèmes qui pourraient donner lieu à des actes de violence xénophobe. Elles lancent, de façon proactive, des campagnes contre la xénophobie pour mieux faire connaître la détresse, les droits et les obligations des réfugiés dans certaines provinces d’Afrique du Sud, comme le Cap occidental, le Gauteng et le KwaZulu-Natal. Leur objectif est de changer l’attitude négative qu’entretiennent les collectivités d’accueil à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile. Pour sensibiliser la population, elles utilisent les radios communautaires et organisent des débats, qui se déroulent dans le cadre d’ateliers de cohésion sociale, auxquels participent des personnes formées à la transformation des conflits et à la consolidation de la paix dans les collectivités. Elles arrivent ainsi à résoudre les conflits sociaux dans la collectivité pacifiquement, sans que personne s’en prenne aux réfugiés.
Les déclarations récentes du Ministre de l’Intérieur, Malusi Gigaba, mettant en garde les responsables politiques contre la tenue de propos irréfléchis qui risquent d’encourager la violence à l’égard des ressortissants étrangers, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile, ont renforcé la position d’Amir Sheik.
Selon un article de presse local, le ministre a souligné l’engagement de l’Afrique du Sud à établir et à maintenir de bonnes relations de voisinage et des liens de solidarité avec les citoyens des autres pays africains et, partant, le fait que le pays devait « traiter les immigrants conformément à ses lois, à une éthique des droits de la personne et à la Constitution ».
« Pour mon peuple, qui a fui la poêle à frire, sa patrie, et s’est retrouvé exposé à des crises dans un certain nombre de pays au cours des 25 longues années où la Somalie a été instable et sans gouvernail, la fuite a assez duré » dit Amir Sheik.
« Cette fois‑ci, je choisis d’examiner les relations entre les réfugiés somaliens et les Sud‑africains globalement, sous un angle qui, à long terme, résoudra nos problèmes et nos différences. Nous ne devons plus nous leurrer en allant là où nous ne sommes pas les bienvenus.
« Il est possible d’être heureux en Afrique du Sud, et les réfugiés somaliens doivent réaliser leur rêve de pâturages plus verdoyants ici. »