Le HCR reçoit le rapport d'investigation sur Nairobi
Le HCR reçoit le rapport d'investigation sur Nairobi
Genève, le 25 janvier 2002
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Ruud Lubbers, a déclaré aujourd'hui que le HCR acceptait les conclusions extrêmement critiques présentées dans le cadre de l'investigation indépendante demandée par l'organisation, suite aux allégations de corruption dans son système de réinstallation des réfugiés à Nairobi (Kenya).
M. Lubbers a précisé que le HCR s'était penché sur ces allégations dès la mi-1999 et que des mesures correctives avaient déjà été mises en place en vue de garantir l'intégrité de ses programmes de réinstallation des réfugiés, au Kenya comme ailleurs dans le monde.
Le rapport, établi par les Services de contrôle interne de l'ONU, basés à New York, a été rendu public aujourd'hui. Le rapport décrit, au long de ses 52 pages, comment une « entreprise criminelle » est parvenue, vers la fin des années 90, à infiltrer le système de détermination du statut de réfugié et de réinstallation du HCR à Nairobi, afin de soutirer des pots-de-vin aux personnes candidates à la réinstallation dans des pays tiers.
Neuf personnes, dont trois employés du HCR, sont inculpées de 78 chefs d'accusation en vertu du Code pénal kenyan, dans le cadre de cette affaire. Les charges d'accusation incluent la fraude, tentative de fraude et l'usage de faux. Des arrestations supplémentaires pourraient avoir lieu.
« Je me joins aux milliers d'employés du HCR, présents et passés, à travers le monde, qui ont consacré leur vie à la cause des réfugiés et se sentent aujourd'hui honteux et outragés par les actes abjects décrits dans le rapport », a déclaré M. Lubbers. « Il n'y aucune excuse, aucune défense possible pour ces comportements indignes. Ceux qui prennent les pauvres et les désespérés pour proies faciles doivent être poursuivis et punis par la loi. Quant à nous, au HCR, nous devons accepter notre responsabilité institutionnelle pour avoir laissé se développer les conditions propices à de telles activités. »
Ces conditions ont même directement affecté des employés du HCR qui tentaient de contribuer à l'enquête et qui ont reçu des menaces de mort. Au cours de l'investigation, cinq membres du HCR - y compris le délégué au Kenya, à l'époque - ont dû être évacués, après avoir reçu de telles menaces.
M. Lubbers, qui a pris ses fonctions en janvier 2001, a déclaré que les conclusions des Services de contrôle interne de l'ONU venaient confirmer les soupçons nourris par le HCR lorsque l'organisation avait demandé une enquête vers la fin de l'année 2000.
« Tout cela nous montre qu'à l'ère des migrations de masse, des réseaux criminels mondiaux, de la traite d'êtres humains et des passages en fraude, nous ne sommes pas à l'abri des infiltrations criminelles » a-t-il dit. « Mais je suis surtout préoccupé par les faiblesses managériales - à des niveaux variés au sein du HCR - qui ont permis à Nairobi l'établissement d'un environnement propice, dans lequel la corruption a pu s'installer. C'est pourquoi, tandis que l'an dernier les enquêteurs poursuivaient leur travail, nous au HCR, avons concentré notre attention sur des mesures de redressement au niveau des structures de management internes, qui ont pu contribuer à l'émergence d'un tel problème. »
Parmi les actions correctives envisagées ou déjà en place, on peut citer :
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le remplacement, en janvier 2001, de tout le personnel travaillant dans les unités de protection et de réinstallation à Nairobi
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le déploiement en urgence à Nairobi de nouveau personnel international chargé de la protection, à partir de janvier 2001
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l'établissement, en janvier 2001, de comités chargés de superviser les décisions de réinstallation pour chaque cas de réunification familiale, ainsi que de passer en revue les autres cas de réinstallation et les décisions d'éligibilité
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l'établissement, en février 2001, d'un comité de transparence, constitué de responsables de la protection au HCR, de personnel des ambassades des pays de réinstallation, ainsi que d'ONG et de membres de la société civile
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l'avalisation obligatoire, par des responsables hiérarchiques, de tous les cas de réinstallation approuvés par le bureau de Nairobi, ainsi que des contrôles de routine sur les dossiers
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l'introduction de fréquents contrôles de terrain par l'officier de sécurité du HCR à Nairobi, pour assurer que les réfugiés et demandeurs d'asile aient un accès libre à la procédure
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l'étude exhaustive de toute la documentation relative aux réfugiés, utilisée au Kenya, avec des recommandations pour l'introduction d'un nouveau système de gestion des dossiers
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l'installation de mécanismes séparés pour les interviews de réinstallation et d'éligibilité d'une part et le processus final de décision d'autre part
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la sensibilisation du personnel aux problèmes de fraude et la diffusion de consignes et de formation en prévention de la fraude
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l'initiation d'un dialogue avec les pays de réinstallation et les ONG impliquées dans le processus.
C'est vers la mi-1999 que le HCR a tout d'abord pris conscience des allégations de corruption dans ses opérations au Kenya. L'organisation a alors demandé au bureau des Nations Unies à Nairobi d'enquêter sur ces suspicions. En l'absence de preuves solides, cette première enquête fut refermée vers la mi-2000, sans conclusions claires. En septembre de la même année, le HCR a ensuite envoyé son inspecteur général de Genève à Nairobi. Ce sont les faits qu'il a découverts qui ont ensuite poussé le HCR à demander, en octobre 2000, une investigation approfondie des Services de contrôle interne de l'ONU, enquête qui fut lancée avant la fin de l'année 2000. Sur la base des conclusions préliminaires, les Services de contrôle interne de l'ONU ont ensuite requis l'intervention d'enquêteurs spécialisés des services de police et d'immigration australiens, canadiens, anglais, américains et kenyans. Le rapport publié aujourd'hui se fonde sur leurs conclusions.
« Il faut souligner que c'est le HCR lui-même qui a pris l'initiative de demander une investigation approfondie, et que avons apporté notre soutien inconditionnel au processus d'enquête », a déclaré Ruud Lubbers. « N'oublions pas, non plus, que la coopération de certains membres du personnel du HCR à l'enquête leur a valu d'encourir des risques énormes - cinq d'entre eux ayant dû être évacués à la suite de menaces. Ceci, pour souligner les conditions extrêmement difficiles et parfois dangereuses, dans lesquelles nos collègues dévoués de Nairobi et les enquêteurs ont dû travailler ces derniers mois. Ils méritent notre appréciation. »