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Editorial par Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés

Editorial par Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés

20 Juin 2003

Mai 2003

Genève. Le thème de l'asile est devenu l'un des thèmes majeurs de la vie politique de certains Etats européens. D'abord, il y a des questions bien réelles qui touchent à la gestion des systèmes d'asile; d'autres qui concernent le rôle des trafiquants; d'autres enfin l'usage abusif du système par certains qui se prétendent demandeurs d'asile. Ces questions sont liées les unes aux autres.

Deuxièmement, un autre groupe s'active de manière abusive - parmi eux, quelques hommes politiques, des groupes de pression, et des journaux - ce groupe dénature délibérément le dossier de l'asile.

Mon agence, le HCR, propose une approche en trois volets afin d'améliorer le système de l'asile. Un des volets concerne les régions d'origine des réfugiés; l'autre tend à l'évolution graduelle de l'Union européenne vers un espace européen unique d'asile; un dernier a pour but d'affiner les systèmes nationaux d'asile de chaque Etat.

Il ne s'agit pas d'options mais d'un tout, lié organiquement. C'est important de réaliser que les actions unilatérales engagées par un seul Etat, ou même un petit cercle d'Etats ne porteront pas leurs fruits tant qu'elles ne seront pas acceptables par tous les pays du monde, particulièrement les pays en voie de développement qui accueillent de nombreuses populations réfugiées, quelquefois depuis des dizaines d'années. De tels pays ont besoin d'être convaincus que les pays les plus riches s'engagent réellement à partager le poids économique, social et politique découlant des mouvements de réfugiés. S'ils sentent qu'il s'agit pour les pays riches de rejeter la responsabilité sur eux, ils ne collaboreront pas.

Les sommes actuellement dépensées pour venir en aide aux réfugiés dans leurs régions d'origine sont tristement inadaptées. Il ne faut pas s'étonner qu'ainsi les réfugiés - les vrais réfugiés - perdent l'espoir et arrivent en Europe. Les premiers pays d'accueil, avec un soutien financier insuffisant, ne vont pas les encourager à rester. Ils ne vont pas non plus les voir revenir d'un bon oeil, juste parce que l'Europe ne veut pas d'eux non plus.

Ainsi, sous le mot « volet régional », le HCR propose un effort plus cohérent et plus large de la part des pays donateurs afin de soutenir les réfugiés dans leurs pays d'origine et aussi de trouver des solutions en les aidant à rentrer chez eux, à se réinstaller dans d'autres pays ou à recommencer une nouvelle vie dans leurs régions d'origine. Mais tout ceci exige une aide au développement qui pourrait accroître l'autosuffisance des réfugiés et bénéficier aux pays qui les accueillent, réduisant ainsi les pressions qui poussent les réfugiés à chercher asile encore plus loin. En effet, chaque euro dépensé pour trouver des solutions dans les régions d'origine aurait alors une double valeur. Que les choses ne se passent pas ainsi constitue une honte et une dépense inutile.

Le volet régional dessiné par le HCR va dans le sens d'accords spéciaux élaborés pour des groupes de réfugiés spécifiques ; j'ai baptisé cette initiative « Convention Plus ». Plusieurs antécédents ont inspiré ce nouveau volet, comme le programme spécialement réalisé pour les boat people vietnamiens (un phénomène qui a débuté sous la forme d'un mouvement de réfugiés et qui s'est ensuite poursuivi par un mouvement d'origine économique beaucoup plus large). Ce programme a non seulement contribué à freiner une migration économique incontrôlée, mais a également permis de trouver des solutions pour à peu près tous les Vietnamiens, qu'ils soient réfugiés ou migrants économiques. Il y a là certainement une possibilité de développer d'autres initiatives ingénieuses de ce genre.

Dans le cadre du volet préconisé pour l'UE, le HCR propose de déterminer les groupes qui essaient clairement d'abuser du système, c'est-à-dire tous les demandeurs d'asile venant de pays qui ne produisent pas en réalité de réfugiés ayant réellement besoin de protection. Ces demandeurs d'asile seraient automatiquement renvoyés vers des centres fermés quelque part à l'intérieur de l'UE, où leurs cas seraient traités rapidement par des équipes conjointes de fonctionnaires de l'UE. D'un côté, ceux qui ne se verront pas reconnaître le statut de réfugié seraient alors renvoyés vers leurs pays d'origine. De l'autre, le nombre limité de réfugiés reconnus parmi eux serait ensuite réparti entre les Etats membres de l'UE . Il devrait y avoir un temps strictement déterminé pour ce processus. Des accords de ré-admission entre l'UE et les pays d'origine des demandeurs d'asile déboutés devraient être signés auparavant, afin que ces personnes ne soient par retenues pendant des mois ou des années uniquement parce qu'elles ne peuvent pas être rapatriées.

Je pense qu'il est crucial que de telles initiatives aient lieu à l'intérieur des frontières de l'UE, car les centres seraient ainsi tenus de respecter les normes juridiques de l'UE. Ceci est important, non seulement pour assurer le respect des droits de l'homme des demandeurs d'asile, mais également pour les Etats, car cela permettrait de réduire de manière efficace les obstacles juridiques qui se poseraient si de tels centres étaient situés en dehors de l'UE. Ainsi, l'accusation de ne pas partager la responsabilité ne serait plus de mise.

Si les volets régionaux et européens proposés par le HCR sont mis en oeuvre de manière efficace, nous verrons apparaître des résultats bénéfiques dans le cadre du système d'asile national de chaque Etat membre de l'UE. Néanmoins, des efforts doivent se poursuivre en parallèle pour rationaliser les systèmes d'asile nationaux - pour les rendre plus rapides, plus justes, et plus efficaces.

Je suis ravi que ces propositions aient pu trouver un écho dans une communication récente publiée par la Commission européenne à la demande des Etats membres. Le dialogue se poursuit lors du sommet européen de Thessalonique. Nous ne devrons pas laisser passer l'occasion de mettre en place une approche plus équilibrée et plus équitable, qui soit à la fois capable de sauvegarder la protection des réfugiés, de promouvoir des solutions et de rétablir la confiance du public en matière d'asile. C'est l'un des défis politiques les plus urgents auxquels l'Europe fait face aujourd'hui.