Le point sur la situation humanitaire en Afghanistan n° 67
Le point sur la situation humanitaire en Afghanistan n° 67
Le 3 janvier 2003
2002 : l'année du rapatriement
Malgré la précarité des infrastructures et l'insécurité qui continue de régner dans certaines régions de l'Afghanistan, plus de 1,8 million de réfugiés ont pris le chemin du retour en 2002, avec l'aide du HCR et du Ministère afghan chargé des réfugiés et du rapatriement. Par ailleurs, plus de 250 000 déplacés internes ont bénéficié d'une aide au retour dans leur région d'origine tandis que 200 000 autres sont rentrés par leurs propres moyens.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés et le gouvernement afghan avaient initialement prévu de fournir une aide au retour à 1,2 million d'Afghans en 2002, dont 800 000 réfugiés, chiffre largement dépassé à peine 15 semaines après le début de l'opération le 1er mars. Les agences humanitaires ont alors réajusté leurs programmes afin de fournir une assistance à 2 millions d'Afghans rentrant chez eux dans le cadre d'une opération d'aide au rapatriement financée par le HCR à raison de plus de 142 millions de dollars.
La venue de l'hiver a ralenti le rythme des retours qui avoisinaient les 2 000 personnes par semaine au cours de décembre, chiffre nettement inférieur au record de 100 000 par semaine durant le mois de mai. Depuis octobre dernier, il y a plus de réfugiés revenant d'Iran que du Pakistan.
Retour mensuels
mars | 122 000 |
avril | 298 000 |
mai | 413 000 |
juin | 292 000 |
juillet | 303 000 |
août | 197 000 |
septembre | 107 000 |
octobre | 49 000 |
novembre | 15 000 |
décembre | (au 24 décembre 2002) 7 000 |
Pays d'asile (Retours assistés)
Pakistan | 1 532 000 |
Iran | 261 000 |
Asie centrale | 10 000 |
En dépit de l'amplitude des retours, il y encore quelque 4 millions d'Afghans qui vivent en exil, dont environ 2 millions en Iran et 1,5 million au Pakistan.
Répondre à l'afflux de rapatriés
Les demandes des réfugiés afghans souhaitant bénéficier du programme d'aide au rapatriement du HCR et du gouvernement afghan sont examinées dans les nombreux centres de rapatriement volontaire mis en place en Iran et au Pakistan.
Afin d'identifier les réfugiés qui auraient déjà bénéficié d'une aide au rapatriement du HCR ou qui auraient l'intention de « recycler » l'allocation de voyage, le HCR a recours à plusieurs mécanismes. L'examen de l'iris, technologie mise en place au Pakistan pour compléter les systèmes existants, s'est avéré particulièrement dissuasif pour les éventuels « recycleurs ».
A leur arrivée, les rapatriés afghans reçoivent du HCR une allocation de voyage de 5 à 30 dollars par personne, en fonction de la distance à parcourir pour se rendre dans leur région d'origine. Les familles de rapatriés reçoivent aussi un kit d'aide humanitaire - bâches en plastique, savon, produits d'hygiène, ainsi que 50 kg de farine de blé fournie par le PAM. A la demande du gouvernement afghan, qui a supervisé les opérations de rapatriement, le HCR a concentré ses efforts sur l'aide aux zones rurales, afin de diminuer les mouvements vers les zones urbaines.
Après l'euphorie du retour à la patrie, beaucoup d'Afghans ont été confrontés à une réalité moins souriante : devoir reconstruire leur vie dans un pays dévasté par près d'un quart de siècle de conflits et des années de sécheresse. Les agences humanitaires ont fait leur possible tout au long de l'année afin de répondre aux besoins les plus urgents des familles de rapatriés, en particulier dans les communautés rurales. Mais pour que le retour des réfugiés afghans soit viable à long terme, il faut à tout prix fournir une aide substantielle en vue de reconstruire les infrastructures et offrir des opportunités de travail aux Afghans.
Les Afghans sont fermement décidés à rentrer dans leur pays, mais malgré leur détermination, le HCR estime que les conditions de vie et l'insécurité qui prévalent encore dans le pays ne permettent pas, à ce stade, d'encourager le retour de tous les Afghans. Les programmes d'aide au rapatriement sont destinés à soutenir les réfugiés qui rentrent par leurs propres moyens, afin de les aider à reconstruire leur vie dans des conditions particulièrement difficiles.
Affronter l'hiver
Après avoir aidé 2 millions d'Afghans à rentrer chez eux au cours de 2002, les agences humanitaires doivent à présent aider toutes ces familles à affronter l'hiver. Les autorités afghanes et le HCR estiment que quelque 550 000 personnes pourraient être menacées par le froid, dont 290 000 rapatriés récemment arrivés et 260 000 déplacés internes.
Les habitants des villages situés au centre du pays sont particulièrement vulnérables, l'accès par la route étant impossible à cause de la neige. D'autres régions, situées dans le sud du pays, où plus de 400 000 déplacés afghans vivent dans des conditions extrêmement difficiles, sont aussi une source de préoccupation.
Le HCR a constitué des stocks de plus de 11 000 tentes, 36 000 réchauds, 146 000 couvertures, 70 000 bâches en plastique et 250 000 litres de kérosène. Environ 50 000 autres réchauds et 56 000 couvertures sont en fabrication sur place, dans le cadre de projets d'aide à l'emploi, et des donateurs ont été approchés pour financer l'achat de plus de 7 700 tonnes de charbon et 2,5 millions de litres de kérosène. D'autres agences humanitaires sont en train de fournir des quantités supplémentaires de nourriture, s'emploient à dégager les routes d'accès et fournissent divers types d'assistance aux plus vulnérables, y compris dans les régions urbaines.
La distribution de biens de secours d'hiver aux familles les plus démunies a commencé dans plusieurs districts du pays, notamment dans le nord de l'Afghanistan, dans les provinces de Badakhshan, Jawzjan, Balkh, Kunduz et Sar-i-Pul (3 000 familles ont déjà reçu, entre autres, des tentes et des réchauds). Dans le sud, environ 3 500 familles ont reçu des couvertures supplémentaires et des réchauds, des couvertures ont déjà été distribuées à 14 000 familles dans les camps de déplacés internes de Hérat, ainsi qu'à 3 200 familles dans quatre provinces voisines. ACTED, partenaire du HCR pour l'approvisionnement en charbon, a signé un accord avec le gouvernement pour l'extraction de plus de 11 500 tonnes de charbon et la distribution est en cours.
Projets de construction d'abri et d'approvisionnement en eau
L'aide à la construction d'abris dispensée par le HCR est en priorité destinée aux familles démunies dans les zones rurales, où les conditions de vie sont beaucoup plus précaires que dans les villes. En collaboration avec le Ministère de la reconstruction et du développement des zones urbaines, UN-HABITAT est responsable des projets d'abri dans les régions urbaines.
Plus de 300 000 personnes ont pu, grâce au programme d'aide à la reconstruction d'abris du HCR (comportant divers matériaux tels que portes, fenêtres, clous, pelles, etc..) construire 40 000 logements en 2002. Le HCR envisage de distribuer du matériel d'aide pour 60 000 abris au cours de 2003.
Comme convenu avec le gouvernement afghan, la première étape indispensable à la reconstruction de leur vie et de leur communauté, les familles, doivent en premier lieu disposer d'un abri et avoir accès à l'eau.
Avec ses agences partenaires, le HCR a aidé à la reconstruction de 3 000 puits dans les communautés où les rapatriés sont revenus en 2002. En outre, plus de 2 200 bains et 5 300 latrines ont été construits dans l'ensemble du pays, et des rapatriés ont été recrutés pour réparer des canaux d'irrigation.
Les Afghans déplacés à l'intérieur de leur pays
Durant 2002, l'aide du HCR et des agences gouvernementales avait pour but d'améliorer les conditions de vie dans les villages, favorisant ainsi le retour, non seulement des réfugiés mais aussi des déplacés internes. A ce jour, le HCR, l'Organisation internationale pour les migrations et autres agences, ont assisté plus de 250 000 déplacés afghans à regagner leurs foyers, et 200 000 autres l'ont fait par leurs propres moyens. Toutefois, il y a encore quelque 700 000 déplacés à travers le pays. Le problème des populations déplacées est particulièrement grave dans les provinces du sud de l'Afghanistan, où se trouvent environ 400 000 déplacés, victimes de la sécheresse, mais aussi des tensions ethniques qui prévalent dans le nord du pays.
Répartition géographique des personnes déplacées
nord | 51 000 |
sud | 413 000 |
centre | 124 000 |
est | 70 000 |
ouest | 66 000 |
Total estimé | 724 000 |
A Spin Boldak, aussi dans le sud de l'Afghanistan, se trouvent des déplacés, ainsi que dans la ville voisine de Chaman, au Pakistan. Suivant la demande, pour des raisons de sécurité, de deux gouvernements, le HCR a accepté de reloger ces populations déplacées dans un nouveau site à Zhare Dasht, situé à l'ouest de Kandahar, doté de meilleurs moyens d'assistance. Depuis le commencement de l'opération en août dernier, près de 5 000 familles ont volontairement accepté d'être transférées à ce nouveau site. Toutefois, quelque 30 000 personnes préfèrent toujours rester près de la frontière en raison d'opportunités d'emploi qui n'existent pas ailleurs.
Le HCR, en collaboration avec les autorités afghanes, s'efforce de trouver des solutions aux causes du déplacement des populations afin de favoriser leur retour. Ainsi, comme un premier pas pour encourager la coexistance et faciliter le retour des Pachtouns déplacés du nord de l'Afghanistan depuis fin 2001, en raison des menaces pour ce qui est perçu comme leur affiliation au régime taliban, le HCR a facilité la création d'une commission pour le retour, composée des leaders du nord et du gouvernement afghan, qui traitera les plaintes d'abus et autres disputes.
Ces populations déplacées ont, nonobstant, d'autres problèmes qui ne peuvent pas être résolus par les seules agences humanitaires. D'autres agences de l'ONU, par exemple, étudient les problèmes liés à la sécheresse, surtout dans le sud du pays, afin que les déplacés puissent un jour retourner à leur terre. En collaboration avec le gouvernement afghan, l'ONU recherche des solutions pour les Koutchi, tribus nomades, qui ont perdu leur bétail et sont devenus dépendants de l'aide pour survivre.
Combler les lacunes
A l'occasion de la réunion du Groupe de soutien pour l'Afghanistan, qui s'est tenue à Oslo le 17 décembre dernier, le Haut Commissaire Ruud Lubbers a souligné l'importance de l'amélioration des conditions de sécurité et de l'aide à la reconstruction pour faciliter l'absorption, dans la société afghane, de millions de rapatriés, faute de quoi le succès de la vaste opération de rapatriement de 2002 pourrait être sérieusement compromis.
Dans le cadre du concept des « 4R » - rapatriement, réintégration, réhabilitation et reconstruction - les quatre éléments clés de toute reconstruction post-conflit, le HCR poursuit ses efforts pour identifier des moyens non traditionnels visant à renforcer le lien entre l'assistance humanitaire et l'aide au développement à plus long terme. Des hauts responsables du HCR travaillent directement avec le gouvernement afghan dans la formulation de politiques concertées entre, d'une part, le Ministère des réfugiés et du rapatriement et, d'autre part, les deux ministères chargés du développement : le Ministère de la reconstruction et du développement rural et le Ministère de la planification urbaine.
Le HCR renforce aussi ses liens avec des agences de développement comme la Banque mondiale, le PNUD et l'OIT, et soutien activement l'inclusion des familles et des communautés des rapatriés dans les plans de reconstruction et de développement à grande échelle.
Aider le gouvernement afghan à renforcer ses capacités est une tâche cruciale pour les agences des Nations Unies. En 2002, le HCR a dépensé près de 2 millions de dollars pour accroître l'impact des activités du Ministère des réfugiés et du rapatriement, à travers la fourniture de matériel de bureau, des véhicules et la formation de son personnel. En outre, le personnel afghan avec expérience du HCR a formé une équipe chargée de travailler directement avec les bureaux du gouvernement et transférer ainsi leurs connaissances administratives, de programmation, de protection des réfugiés, d'information et de problèmes liés à l'appartenance sexuelle.
Les retours des pays non limitrophes
Le retour de plus de deux millions d'Afghans est une lueur d'espoir pour les jours à venir, mais le gouvernement afghan et le HCR sont préoccupés par la capacité d'accueil du pays face à un afflux tout aussi rapide que massif. Bien que beaucoup d'Afghans n'aient plus de raison de poursuivre leur exil, ils sont encore nombreux à avoir besoin d'une protection internationale.
L'agence pour les réfugiés demande aux gouvernements des pays d'asile de fournir une assistance aux réfugiés afghans désireux de rentrer chez eux et de s'assurer que les retours sont échelonnés au fur et à mesure des efforts de développement et de réintégration déployés en Afghanistan afin d'accroître la capacité d'accueil des communautés dans lesquelles ils retournent.
Afin que les retours se déroulent sans heurts et qu'ils soient durables, le gouvernement afghan et le HCR ont esquissé des programmes de retour conjoints avec les pays qui accueillent à la fois des réfugiés et des migrants afghans. Au cours de 2002, des accords ont été conclus avec l'Iran, la France, le Royaume-Uni, le gouvernement de Kaboul et le HCR. Un autre accord devrait être signé avec le Pakistan au début de 2003.
Financement
Le budget du HCR pour le rapatriement et l'aide aux réfugiés dans la région de l'Afghanistan sur une période 15 mois, et qui a pris fin en décembre 2002 était de 271 millions de dollars.
Au cours de 2003, le HCR envisage d'aider 1,2 million d'autres réfugiés ainsi que 300 000 déplacés internes afghans à rentrer chez eux. Dans le cadre du programme d'assistance du gouvernement provisoire afghan (TAPA), le budget approuvé du HCR pour l'aide au rapatriement de janvier à décembre 2003 est de 127 millions de dollars pour l'Afghanistan. Le HCR a actuellement 27 bureaux dans l'ensemble du pays et compte plus de 700 employés, dont 600 Afghans, qui sont supervisés par le bureau du HCR à Kaboul. Des sous-délégations régionales sont implantées à Kaboul, Mazar-i -Sharif, Hérat, Kandahar, Jalalabad et Gardez.
Le HCR aura besoin de 35 millions de dollars pour ses opérations au Pakistan et de 26,8 millions de dollars pour l'Iran, ainsi que de 6 millions de dollars pour les programmes en faveurs des réfugiés afghans dans les pays d'Asie centrale.