Sadako Ogata ouvre la quarante-huitième session du Comité Exécutif du HCR
Sadako Ogata ouvre la quarante-huitième session du Comité Exécutif du HCR
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Sadako Ogata, a lancé un appel aux gouvernements pour le respect des principes humanitaires, et a qualifié de « non négociable » l'engagement du HCR à défendre et à promouvoir les droits fondamentaux de réfugiés.
A l'ouverture de la 48ème réunion annuelle du Comité exécutif du HCR à Genève, Madame Ogata a déclaré que le monde était en train de vivre une crise sans précédent dans l'application des principes humanitaires, et non pas un échec des principes eux-mêmes. Le Comité exécutif, dont 53 Etats sont membres, a adopté « les défis du rapatriement des réfugiés » comme thème central de cette année.
Tirant les leçons de l'expérience de son Organisation dans la région des Grands Lacs, en Afrique, le Haut Commissaire a constaté que si les Etats avaient « assumé leurs responsabilités, comme l'a prévu ce Comité, et appuyé nos actions de façon plus ferme et plus décisive, certains des problèmes que nous avons rencontré auraient pu être évités. »
« Les droits des réfugiés - à l'asile et au non-refoulement - sont la pierre angulaire de mon mandat, et je tiens à réaffirmer notre engagement non négociable à les défendre et à les promouvoir. »
La crise au niveau de l'application des principes fondamentaux ne se limite pas à une région géographique, a dit Madame Ogata. Elle a répété une nouvelle fois sa vive préoccupation par « la tendance croissante des nombreux pays occidentaux à adopter des politiques d'asile restrictives, y compris le rejet des demandeurs d'asile aux frontières, l'interception en haute mer et l'interprétation étroite de la définition du réfugié, y compris sa limitation à la persécution du fait de l'Etat ».
Madame Ogata a exprimé son espoir de voir le monde entrer dans une période de diminution des urgences touchant les réfugiés. Le nombre des personnes relevant de la compétence du HCR au début de 1997 était de 22,7 millions, 1,3 de moins qu'un an auparavant. Alors que l'intégration des réfugiés dans leurs pays d'asile et la réinstallation dans un pays tiers sont des solutions vitales aux problèmes des réfugiés, le rapatriement reste l'option principale.
Il y a un certain nombre de développements positifis au cours de cette année 1997 : le HCR a récemment terminé le rapatriement de quelque 300 000 réfugiés togolais, a aidé 20 000 déplacés tchétchènes à rentrer chez eux, a aidé des réfugiés à retourner dans des pays aussi divers que le Myanmar, le Tadjikistan et le Guatemala. Le Haut Commissaire a émis le souhait que les développements politiques au Sahara occidental, en Angola, au Libéria, et dans la corne de l'Afrique puissent ouvrir la voie à des retours de grande envergure dans les mois qui viennent.
Néanmoins, 1997 a démontré plus clairement que jamais à quel point était complexe le défi du rapatriement des réfugiés. « Les plus grands et les plus sérieux défis à la protection ont été lancés dans la région des Grands Lacs en Afrique. » Madame Ogata a fait remonter les racines du problème en 1994 « à l'incapacité ou le refus de la communauté internationale de séparer ceux qui méritent une protection internationale de ceux qui ne peuvent s'en prévaloir ». Après la destruction des camps en novembre 1996, près de 600 000 Rwandais sont rentrés chez eux spontanément, dans le même temps le HCR et ses partenaires demandaient l'intervention d'une force militaire internationale au Zaïre pour secourir ceux qui restaient. Cet appel est resté vain. Tandis que les agences d'aide humanitaire s'efforçaient d'aider 250 000 Rwandais supplémentaires à rentrer - parmi eux 65 000 rapatriés grâce à un pont aérien de mai à septembre 1997, dans le cadre d'une opération difficile dirigée par le HCR - des milliers d'autres mouraient dans la forêt « de faim, d'épuisement, de maladie », ou « au mains des militaires ».
Le Haut Commissaire a mis l'accent sur le fait que le rapatriement implique plus que des moyens logistiques. Le rapatriement n'est une solution durable et définitive que si les droits des réfugiés - y compris les droits fondamentaux de l'homme - et la justice sont restaurés. La situation en Bosnie-Herzégovine « illustre la diversité des défis de la réintégration » : la sécurité physique doit être assurée, en premier lieu le déminage ; le résultat des élections doit être accepté ; et ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité doivent comparaître devant la justice. « A défaut de s'intégrer dans une stratégie de relèvement et de réconciliation, l'impact de notre action a toutes chances d'être insuffisant. »
Le Haut Commissaire a fait part de sa grande inquiétude devant l'absence de progrès en matière de paix et de réconciliation dans certaines parties du monde, comme le Burundi, le Sierra Leone et l'Afghanistan. Elle a souligné le fait que « la poursuite du conflit civil et les restrictions aux droits humains, particulièrement aux droits des femmes, ont interrompu le rapatriement des Afghans ». De nouveaux flots de réfugiés ces dernières semaines sont des signes préoccupants : ainsi l'arrivée en Thaïlande de 40 000 réfugiés fuyant les combats au Cambodge et la fuite de milliers de civils confrontés au conflit dans la République du Congo (Brazzaville).
Le budget du HCR pour 1998 devrait être inférieur à un milliard de dollars pour la première fois depuis 1991, a annoncé Madame Ogata. Néanmoins, elle a rappelé aux gouvernements que les Programmes généraux de son Organisation manquent sérieusement de financement, avec un déficit de 50 millions de dollars. Elle a souligné que le travail de protection demande beaucoup de ressources, surtout dans les cas où le personnel doit être sur le terrain pour le suivi du bien-être des rapatriés.
Qualifiant les défis que relève son Organisation de « redoutables », le Haut Commissaire a rendu hommage aux membres du HCR et des autres agences qui ont perdu leur vie ou ont été gravement blessés au service des personnes déracinées. Elle a mis en garde contre le fait que les crises « feront encore des victimes, particulièrement parmi le personnel national très vulnérable si les agents d'aide civils et non armés continuent de travailler seuls et en première ligne lors de catastrophes humanitaires. Ils ne bénéficient pas d'une protection adéquate et se trouvent souvent dans des zones où la communauté internationale juge même trop dangereux d'envoyer ses forces militaires. »