Accéder aux Colombiens qui ont besoin d'aide au nord de l'Equateur
Accéder aux Colombiens qui ont besoin d'aide au nord de l'Equateur
LAGO AGRÍO, Equateur, 23 juin (UNHCR) - Isabel Avalos trouvait les informations un peu vagues : une maison verte près de la boucherie dans un petit quartier de Lago Agrío. Quand elle a enfin réussi à trouver le bâtiment, les personnes qu'elle cherchait - une réfugiée colombienne et ses six petites filles - étaient parties la nuit précédente.
« Ca arrive tout le temps », raconte Isabel Avalos, une assistante sociale de la Fondation
Fabian Ponce, l'un des partenaires d'exécution de l'UNHCR en Equateur. « Une famille vient au bureau et me dit qu'elle s'est enfuie sans rien emporter - souvent avec quatre ou cinq enfants. On lui donne une aide d'urgence pour quelques jours, je prends son adresse tout en expliquant que je vais venir lui rendre visite pendant la semaine mais, lorsque je me rends sur place, elle est déjà partie. »
Située à seulement 14 kilomètres de la frontière, Lago Agrío est la première escale pour de nombreux Colombiens qui franchissent la frontière et se réfugient dans le nord de l'Equateur afin d'échapper à la violence et aux persécutions dans leur pays. Ceux qui viennent s'enregistrer auprès de l'UNHCR en tant que demandeurs d'asile se voient octroyer protection et, si nécessaire, assistance. Le travail d'Isabel Avalos consiste à vérifier quels sont leurs besoins.
Mais, les réfugiés apeurés tendent à poursuivre leur fuite pour s'éloigner le plus possible de leurs bourreaux. Quatorze kilomètres de distance et une rivière peuvent apparaître comme une protection dérisoire pour des personnes terrorisées pendant des années par des groupes armés de l'autre côté de la frontière. De nombreuses familles se déplacent sans cesse et ce fort degré de mobilité représente un défi de taille pour Isabel Avalos. Il arrive souvent que sur la quinzaine de familles auxquelles elle devrait rendre visite au cours d'une journée, seule la moitié soit encore localisable.
Sa deuxième tentative de la journée est, elle aussi, infructueuse - la famille qu'elle cherchait est partie sans laisser de traces. Heureusement, Isabel Avalos a un peu plus de chance la fois suivante. Bien que l'endroit soit difficile à localiser, elle parvient à trouver une famille indigène qui vit dans une cabane en bois au milieu de la forêt tropicale. A son arrivée, elle rencontre ses habitants, une mère et ses quatre enfants.
Elle a posé quelques questions avant de visiter l'abri. Elle a juste besoin d'un rapide aperçu. Il n'y avait ni lits, ni couvertures dans les deux chambres où dorment huit personnes, pas de réchaud ni de réfrigérateur dans la maison. L'une des petites filles était très malade mais elle n'avait pas vu de docteur, tous les enfants montraient des signes de malnutrition. La famille était en Equateur depuis plusieurs mois, mais n'avait pris récemment contact que récemment avec l'UNHCR.
« Après ma visite, j'écrirai un rapport sur les besoins de chaque famille, puis nous en discuterons au sein du comité d'aide », a indiqué Isabel Avalos, faisant référence au groupe constitué par l'UNHCR, l'église et les partenaires locaux. « Nous disposons de ressources très limitées et nous devons prendre de très lourdes décisions. Dans une telle situation, où la famille est clairement sans ressource, nous faisons tout notre possible pour l'aider. »
Dans ce cas, l'aide initiale arrive rapidement. La famille est l'une des 97 dans cette région qui recevra du matériel, du bois, du zinc et des clous, pour construire une maison. « C'est seulement un projet pilote pour le moment », a expliqué Isabel Avalos, « mais s'il fonctionne, nous espérons l'étendre. »
Un orage équatorial a éclaté alors qu'elle retournait vers sa voiture. Elle a attendu la fin de l'orage et a ensuite rendu visite à une mère de quatre enfants qui est séropositive. Celle-ci n'était pas chez elle, mais Isabel Avalos a réussi à trouver sa fille aînée, âgée de 15 ans, qui travaille dans un bar voisin.
« Bien sûr, c'est inquiétant », a indiqué Isabel Avalos. « Quand les familles se séparent, les jeunes filles sont tout spécialement vulnérables. L'une de nos plus grandes préoccupations dans la région concerne le niveau d'exploitation sexuelle dont souffrent les femmes et les jeunes filles, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la famille. Le problème est endémique. Nous avons plusieurs projets avec d'autres partenaires, incluant un projet de lutte contre le VIH/SIDA qui rassemble plusieurs agences des Nations Unies et les autorités locales. »
Isabel Avalos a indiqué que les journées sont trop courtes, sans parler des ressources financières, pour aider tant de monde. Mais son cas est seulement la partie émergée de l'iceberg. De nombreux Colombiens fuyant en Equateur ne rentrent jamais en contact avec l'UNHCR, soit parce qu'ils ne sont pas au courant de leur droit de bénéficier de protection internationale, soit parce qu'ils ont trop peur et ils préfèrent rester cachés.
Quelque 200 personnes par mois sont enregistrées par l'UNHCR à Lago Agrío, mais le bureau estime que le nombre véritable de Colombiens qui ont besoin de protection internationale dans la région de la frontière pourrait être bien plus important. Le même constat peut être observé en Colombie. L'Equateur accueille presque 14 000 réfugiés et demandeurs d'asile colombiens, alors que le gouvernement et l'agence pour les réfugiés pensent qu'il pourrait y avoir jusqu'à 250 000 Colombiens relevant de la compétence de l'UNHCR dans le pays.
Lors d'un récent voyage en Equateur, la Haut Commissaire assistante en charge des opérations, Judy Cheng-Hopkins, a décrit la situation dans la région comme « une tragédie humanitaire invisible » et a appelé la communauté internationale à accorder davantage d'attention aux victimes du conflit colombien des deux côtés de la frontière.
Par Marie-Hélène Verney à Lago Agrío, Equateur