Aider les femmes réfugiées à faire face au VIH/SIDA
Aider les femmes réfugiées à faire face au VIH/SIDA
KAKUMA, Kenya, 1er décembre 2004 (UNHCR) - Au sein du peuple des Dinka du Soudan on ne parle pas ouvertement de sexe. « Même le jour de mon mariage, ma mère ne me racontera pas à quoi m'attendre la nuit de noce », explique une jeune femme.
Mais les réalités cruelles du monde moderne finissent par percer le silence. Grâce à l'enseignement scolaire, aux films de divertissement et aux centres de santé récemment installés dans ce camp de réfugié du nord-ouest du Kenya, le message que le VIH/SIDA est un danger, même pour des sociétés fermées et qui pensent être immunisées, finit par passer.
« Dans ma communauté il est très difficile de parler de sexe, particulièrement pour les jeunes filles », dit Apajok, une femme réfugiée Dinka de 23 ans confiante et franche. « Mais la plupart des jeunes filles qui vont à l'école ont entendu parler du VIH et du SIDA. Aujourd'hui lorsque nous parlons de sexe, ce qui nous vient à l'esprit c'est le danger du VIH et du SIDA. Nous nous donnons des conseils les unes aux autres sur comment se protéger. »
Apajok et ses amies sont d'accord sur le fait que les deux centres de conseil et de test volontaire, ouverts depuis avril 2002 dans le camp, représentent la meilleure source d'information. Là, les 86 000 réfugiés de Kakuma - constitués de 20 groupes ethniques différents en provenance du Soudan, de la Somalie, de l'Ethiopie et d'autres pays - ont la possibilité d'en apprendre davantage sur le VIH, le virus à l'origine du SIDA, et de déterminer leur propre état de santé.
« Nous sommes très contentes d'avoir ces centres ici », dit Apajok, qui est célibataire, lors d'une interview dans un des centres. « Les réfugiés un peu éduqués, particulièrement les jeunes, souhaitent connaître leur état de santé. Si on n'est pas infecté, on peut apprendre comment se protéger. Si on est atteint par la maladie, on saura également comment vivre avec et comment gérer la situation. On peut apprendre comment prolonger sa vie. »
Les centres de conseil et de test volontaire, sponsorisés par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis et le Comité de Secours Internationale répondent de toute évidence à une demande claire et immédiate.
« Il n'a pas fallu trois jours avant que ne se présente la première personne pour faire un test », raconte David Mungwete, un réfugié Congolais de 27 ans, avenant et souriant, qui était auparavant le premier conseiller dans l'une des cliniques de Kakuma. « Au début, on avait 20 ou 30 clients par jour. » Si ce nombre est maintenant retombé à cinq ou huit par jour, chaque jour un flot constant d'hommes continuent de venir chercher des préservatifs gratuits.
Les bases pour la prévention contre le VIH/SIDA avaient déjà été jetées en introduisant des leçons sur la santé reproductive dans le curriculum scolaire. Aujourd'hui, la prise de conscience sur le VIH/SIDA fait partie intégrante de l'enseignement scolaire pour les enfants réfugiés dans le camp à partir de neuf ou dix ans.
FilmAid International, une organisation non gouvernementale qui produit des films pour apporter un peu de divertissement dans la vie des réfugiés, est également un partenaire important pour faire passer le message, affirment les réfugiés de Kakuma. Outre des films de divertissement non-violents et tous publics, FilmAid montre également des films éducatifs sur des sujets d'importance pour les réfugiés, parmi lesquels le VIH/SIDA.
On estime que quatre pour cent des réfugiés de Kakuma sont atteints du VIH/SIDA, et l'annonce du résultat du test peut provoquer parfois des réactions violentes, rapporte Mungwete. « Certains vont dire, 'je vais me tuer, je ne sers à rien.' D'autres, 'je vais retourner au Soudan afin de mourir dans mon propre pays.' »
Les réfugiés séropositifs reçoivent des rations de nourriture spéciales afin de conserver leurs forces. Le HCR s'efforce aussi de suivre la politique du gouvernement hôte, qui est, au Kenya, de fournir des médicaments anti-rétroviraux permettant de prolonger la vie de ceux qui souffrent du SIDA. Avec l'accès élargi à ces médicaments décidé par le gouvernement du Kenya, le HCR fait les arrangements nécessaires pour que ceux-ci soient disponibles en 2005 pour les 430 réfugiés environ qui en auront besoin.
L'ignorance, l'hypocrisie et les barrières culturelles sont à l'inverse autant de facteurs qui font obstacle à l'élargissement des campagnes de prévention contre le VIH/SIDA. Les femmes, en particulier, sont réticentes à faire le test. La proportion de femmes qui se présentent n'atteint que 15 pour cent du total des tests effectués chaque mois. « Si tu vas faire un test de VIH, tu es une prostituée » selon un préjugé bien ancré dans les mentalités féminines.
Même les femmes ayant un niveau d'éducation élevé n'ont pas le pouvoir de contraindre leur mari à utiliser des préservatifs. « En fait, nous avons eu quelques femmes qui ont demandé des préservatifs féminins afin de pouvoir garder le contrôle ... », affirme Mungwete.
« Les femmes, les filles et le VIH/SIDA » était le thème de la Journée mondiale du SIDA 2004, célébrée le 1er décembre. En plus des centres de conseil et de test volontaire, le HCR a entrepris de nombreux efforts pour augmenter la prise vis-à-vis du VIH/SIDA et prévenir l'extension de la maladie. L'agence mène actuellement un projet pilote sur la prophylaxie post-exposition (PEP) parmi des réfugiés en Tanzanie - un traitement médical de court terme qui permet de prévenir la transmission du VIH après un viol. Le projet pilote doit s'étendre à l'Afrique de l'Est et de l'Ouest en 2005. Des programmes pour prévenir la transmission du virus de la mère à l'enfant sont également en train d'être mis en place à l'échelle de tout le continent africain.
Par Kitty McKinsey à Kakuma, et Jennifer Clark à Genève