Des équipes mobiles du HCR à la recherche de personnes vulnérables au Darfour
Des équipes mobiles du HCR à la recherche de personnes vulnérables au Darfour
ABU SROUG, Soudan, 25 mai (UNHCR) - Cette année, les habitants de ce village extrêmement pauvre du Darfour occidental n'ont pas célébré la naissance du prophète Mahomet, le mois dernier, avec leur fanfare islamique traditionnelle. Les hommes ont eu peur de se rassembler à la mosquée pour la lecture du Coran toute la nuit ou le sacrifice rituel d'une vache le matin pour la fête du village.
A l'aube, ce n'est pas un repas joyeux accompagné de danses et de roulements de tambours qu'a connu le village, mais l'arrivée, à dos de chameau et à cheval, de trente hommes armés de la milice janjawid, tristement célèbre pour avoir chassé de chez eux plus de deux millions d'habitants du Darfour. Ils ont terrorisé les hommes, les femmes et les enfants, en prétendant chercher un chameau volé.
« Ce n'est qu'un prétexte », a déclaré Haroun Adam Abdalla, le professeur d'arabe de la ville. « Ils viennent aujourd'hui tout exprès en raison du jour de fête. S'ils avaient trouvé des gens en train de célébrer la fête rituelle, ils les auraient attaqués ». Et pourtant, les janjawids sont musulmans, tout comme leurs victimes. Un silence de mort planait sur le village pendant que les janjawids s'éloignaient, cette fois sans avoir blessé personne.
« Je suis malheureux », a confié Haroun, quelques heures après la visite hostile des janjawids, qui contrôlent la campagne de la région soudanaise du Darfour occidental et qui sont accusés d'avoir assassiné jusqu'à 400 000 personnes. « Aujourd'hui devrait être un jour de fête, mais c'est tout le contraire. Nous vivons dans la peur. »
Maeve Murphy n'entend ce genre de récit que trop souvent lorsqu'elle parcourt le Darfour occidental pour l'UNHCR. Elle cherche les personnes particulièrement vulnérables qui ont besoin de la protection des Nations Unies et d'autres organisations humanitaires.
Maeve Murphy, en charge des services communautaires, recherche les personnes âgées, les femmes seules, les femmes violées et les enfants qui ont perdu leurs parents. Elle organise l'aide qui leur est apportée - que ce soit celle de l'UNHCR, d'autres agences des Nations Unies ou d'organisations humanitaires non gouvernementales. Ces derniers mois, le bureau de l'UNHCR à El Geneina, la capitale du Darfour occidental, là où Maeve travaille, a réalisé plus de 100 missions pour trouver les plus démunis dans cette partie du monde frappée par la fatalité.
Aujourd'hui - vraiment pas un jour de réjouissances, en fin de compte - des personnes déplacées des villages entourant Abu Sroug sont assises par terre, à l'ombre d'énormes arbres. Elles expliquent leurs malheurs à Maeve. Il y a deux ans, la population d'Abu Sroug était de 5 000 personnes. Aujourd'hui, elle a plus que triplé : les gens chassés de leur village sont venus y chercher un peu de sécurité. A présent, ils n'ont plus assez de nourriture ni d'eau et même le logement est précaire.
Maeve s'inquiète beaucoup au sujet de la fête religieuse qui a dû être annulée. Toutes les structures sociales de ces populations ont disparu, déplore-t-elle.
En détruisant la vie dans les villages et en forçant presque deux millions de personnes à se réfugier dans des bidonvilles improvisés à proximité des plus grandes villes du Darfour, les janjawids ont réorganisé la structure de la société dans cette région agitée de la taille de la France.
Ils n'ont pas seulement accéléré le processus d'urbanisation, qui a lieu partout en Afrique ; ils ont également détruit une grande partie de la culture et des rites traditionnels des personnes déplacées. Ces dernières s'identifient comme des tribus africaines, par opposition aux « Arabes » nomades qui les persécutent.
« Nous sommes inquiets pour les coutumes sociales », déclare Maeve Murphy. « Les mariages n'ont pas lieu parce que les familles ne peuvent payer les dots. Il y a des villages entiers où personne ne s'est marié l'an dernier. A cause des viols, commis à grande échelle, des bébés naissent sans père et sans papiers. »
Parmi leurs protégés, les jeunes comme les plus vieux s'accordent pour dire que les personnes âgées perdent leur place d'honneur dans la société : ils ne peuvent plus guider leur famille ni organiser des cérémonies traditionnelles au cours desquelles ils transmettent leur sagesse et leur culture. Quelques femmes âgées qui ne supportaient pas la vie des camps pour déplacés sont retournées dans les villages abandonnés où les attendent un futur précaire et une possible mort solitaire.
« C'est un gros problème », déclare Maeve. « Qui peut fournir de la nourriture à ces personnes âgées ? Qui peut s'occuper d'elles ? »
Lors de son récent voyage au Darfour, le Haut Commissaire par intérim, Wendy Chamberlin, a souligné l'importance du travail d'équipes mobiles de protection de l'UNHCR comme celle de Maeve Murphy.
Madame Chamberlin a ajouté : « Ils quittent les camps, les centres habités. Ils partent dans le désert et conduisent leurs véhicules le long des wadis poussiéreux - des lits de rivières asséchées - pour chercher des groupes isolés de réfugiés qui rentrent du Tchad et des déplacés, qui ont très peu pour vivre. Ils leur apportent l'aide dont ils ont besoin pour survivre. »
Elle a déclaré que la situation désespérée des habitants du Darfour la préoccupe, tout comme leur marge de survie extrêmement réduite ; elle a aussi insisté sur l'importance du travail de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Même si la violence continue au Darfour, « il y a des signes encourageants qui indiquent que, dans certaines régions, la situation s'améliore », déclare Laurens Jolles, directeur des opérations de l'UNHCR au Darfour. « Certains se lancent dans des efforts de réconciliation locale entre voisins. Ils essaient de déterminer comment vivre ensemble et comment résoudre les conflits avant qu'ils ne deviennent incontrôlables. »
« Certaines personnes recommencent tout doucement à voyager plus fréquemment sur des routes entre les villages qui auparavant étaient désertes », poursuit L. Jolles. « Il y a aussi des gens qui, malgré leurs expériences malheureuses, rentrent dans leur village d'origine. Certains se réjouissent de recevoir des semences afin de pouvoir planter leurs cultures avant la saison des pluies, le mois prochain. De plus, les organisations humanitaires commencent à analyser ce qui peut être fait dans les villages d'où les gens ont fui, plutôt que de se limiter à les aider là où ils se sont réfugiés. »
Et pourtant, à Abu Sroug, dans l'école où il donne cours d'arabe et de mathématiques, Haroun Adam Abdalla attend toujours ces améliorations. Il dresse la liste des cérémonies traditionnelles qui n'ont pas eu lieu à cause du chaos des deux dernières années : des enterrements, des deuils longs de 40 jours, des cérémonies pour les mariages et des périodes post-nuptiales. « Peu à peu, nombre de ces coutumes disparaissent et nous n'y pouvons rien », déplore-t-il. « Pour l'instant, les gens ont peur de se rassembler pour des cérémonies. C'est trop dangereux. »
Par Kitty McKinsey à Abu Sroug