L'aide arrive sur trois roues pour les recycleurs yéménites déplacés
L'aide arrive sur trois roues pour les recycleurs yéménites déplacés
Saïd pédale sur son vélo-cargo rouge vif dans les ruelles poussiéreuses d'Aden, au sud du Yémen, et il scrute le bord de la route au fur et à mesure qu'il avance. Quand il repère quelque chose, il en descend et passe plusieurs minutes à démêler une masse de clôtures en mailles de chaîne jetées depuis des blocs de béton, avant de la charger dans le grand panier situé au-dessus des deux roues avant.
Après avoir passé 12 heures à collecter des déchets de métal et de plastique, Saïd livre son chargement aux grossistes de l'industrie du recyclage de la ville en échange de l'équivalent d'environ quatre dollars par jour.
Cette somme peut sembler limitée par rapport au temps et à l'effort nécessaires mais, ayant été forcé d'abandonner son ancienne entreprise et déplacé de son domicile en raison du conflit qui sévit au Yémen depuis cinq ans, l'argent qu'il gagne améliore concrètement la vie de Saïd et de sa famille.
« J'ai tout perdu quand les combats ont éclaté. La guerre m'a tout pris », explique Saïd, qui a fui avec sa femme et leurs sept enfants leur maison d'Hodeïda sur la côte ouest du pays, en 2018, après qu'une vague de violence ait balayé la région.
Ils sont passés d'une vie confortable, soutenue par l'entreprise florissante de Saïd, qui fabriquait et vendait des coussins de sol ornés traditionnels connus sous le nom de madkha, à une fuite sans rien que les vêtements portés ce jour-là, pour compter désormais parmi les quelque 3,65 millions de Yéménites déplacés par le conflit prolongé.
« La guerre nous a tout pris. »
À l'échelle mondiale, plus de 41 millions de personnes sont actuellement déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Aujourd'hui (17 avril) marque le 22e anniversaire de l'adoption des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, les toutes premières normes internationales concernant les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays qui énoncent leurs droits et les obligations des gouvernements à leur égard.
« Nous avons d'abord rejoint Sanaa mais, après y avoir passé du temps, la vie était difficile. Je n'arrivais pas à trouver du travail et je ne recevais aucune aide », a déclaré Saïd. A la fin de l'année dernière, la famille s'est rendue dans la ville portuaire d'Aden, au sud du pays, où elle a trouvé un espace dans un abri collectif, vivant aux côtés de 135 autres familles déplacées depuis différentes régions du pays.
A leur arrivée, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires leur ont fourni des produits de première nécessité, notamment une tente et des matelas. Mais sans aucun moyen de gagner un revenu, Saïd a dû lutter pour nourrir sa famille. Il a donc commencé à ramasser les déchets métalliques et plastiques à la main, simplement pour survivre.
Après cinq ans de conflit, l'économie du Yémen s'est contractée de près de 50% et elle est sur le point de s'effondrer. Seule la moitié des établissements de santé du pays sont encore opérationnels, plus d'un quart des enfants ne sont pas scolarisés et plus de 80% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté.
Cette combinaison de facteurs a exercé une pression énorme sur la réponse humanitaire, déjà gravement sous-financée.
Pour répondre au besoin urgent de moyens de subsistance, en particulier parmi les populations déplacées, le HCR a lancé un projet à Aden visant à fournir des vélo-cargos, au coût unitaire de 435 dollars, ainsi que des équipements de protection à ceux qui s'occupent déjà de la collecte de matériaux recyclables dans la ville.
Saïd a été l'un des premiers à recevoir cet équipement durant la phase pilote du projet, et ses commentaires ont permis d'améliorer la conception des vélo-cargos pour les rendre plus durables et mieux adaptés au transport de matériaux sur le terrain accidenté de la ville.
Avec plus de 200 personnes ayant déjà reçu ce nouvel équipement de la part du HCR, non seulement il a amélioré la sécurité et la dignité de leurs conditions de travail, mais il a également conduit à un doublement de leur revenu mensuel moyen de 60 000 à 120 000 rials yéménites (105 à 210 dollars).
« J'ai pu améliorer ma vie. »
« En fait, je gagne [...] assez pour nourrir ma famille et payer les petites dépenses », explique Saïd. « Avec le vélo-cargo, en un peu plus de deux mois, j'ai pu améliorer ma vie. »
La perspective d'une nouvelle amélioration est apparue lorsque Saïd a appris qu'il recevrait du HCR un versement unique de 100 000 rials (175 dollars) au titre des allocations d’aide en espèces. Les revenus du recyclage étant suffisants pour couvrir les besoins de base de la famille, il a décidé d'investir l'argent supplémentaire dans les matériaux dont il avait besoin pour recommencer à fabriquer des madkhas.
En développant progressivement son ancienne entreprise lorsqu'il n'est pas en train de recycler, le but ultime de Saïd est de gagner suffisamment de revenus supplémentaires pour trouver un meilleur foyer pour sa famille et renvoyer ses enfants à l'école.
Donnez maintenant pour aider les familles confrontées à une catastrophe humanitaire au Yémen