Les Erythréens se réjouissent de leur nouvelle vie dans leur pays de réinstallation
Les Erythréens se réjouissent de leur nouvelle vie dans leur pays de réinstallation
ADDIS-ABEBA, Ethiopie, 6 avril (UNHCR) - Pour beaucoup d'Africains, un aller simple vers un beau pays tranquille et prospère tel que la Nouvelle-Zélande ressemblerait à la réalisation d'un rêve.
Même si c'est la situation dans laquelle se trouve le réfugié érythréen Oumer Abdelawel après deux ans et demi passés dans un camp de réfugiés en Ethiopie, ses sentiments à l'idée de quitter son pays pour toujours sont partagés : « Pour moi, c'est un choix entre une situation mauvaise et une autre qui est pire. Il est bien normal que je choisisse la mauvaise. »
L'ancien journaliste de 35 ans est un des 10 réfugiés érythréens du camp de Shimelba dans le nord de l'Ethiopie qui ont récemment embarqué sur un vol d'Addis-Abeba vers la Nouvelle-Zélande ; l'UNHCR y a organisé sa réinstallation.
« Pour certaines personnes originaires d'un pays pauvre comme l'Erythrée, la Nouvelle-Zélande ressemble à un paradis économique », concède-t-il. « Mais le bien-être économique ne résout pas tout. Il ne garantit pas toujours l'équilibre personnel. » Ce qui l'attriste le plus, c'est l'impossibilité de reprendre sa carrière de journaliste dans un pays étranger et dans une langue étrangère.
« Plus je m'éloigne de chez moi, plus mes rêves de m'épanouir comme journaliste professionnel s'amenuisent », analyse-t-il tristement.
Comme la plupart des réfugiés partout dans le monde, son souhait le plus cher est de rentrer chez lui. « S'il y avait la moindre perspective de rentrer au pays à court terme, je préférerais rester dans un camp plutôt qu'être réinstallé ailleurs », ajoute Oumer.
Pourtant, le retour au pays ne semble pas envisageable dans un futur proche. Oumer travaillait comme journaliste pour un journal indépendant d'Asmara, la capitale érythréenne, lorsqu'en septembre 2001, le gouvernement ferma tous les journaux indépendants et emprisonna un certain nombre de journalistes.
L'organisation Reporters Sans Frontières, basée à Paris, a décrit l'Erythrée comme « la plus grande prison d'Afrique pour les journalistes » et classe cet Etat parmi les cinq pays connaissant le plus de répression des médias.
Oumer s'enfuit en septembre 2001 pour échapper à la vague de répression. Il atteignit le camp éthiopien de Shimelba une année plus tard. Il y a tout juste quatre mois, il a épousé une Ethiopienne, qui est partie avec lui en Nouvelle-Zélande.
« Bien sûr, l'UNHCR préfère aider les réfugiés à retourner dans leur pays d'origine quand ils peuvent le faire dignement et en toute sécurité », déclare Daniela Cicchella, responsable de la section de l'UNHCR pour la réinstallation régionale à Nairobi. Une autre solution durable pour les réfugiés consiste parfois à s'installer de façon permanente dans leur pays d'asile.
« Cependant, il y a certains cas pour lesquels la réinstallation dans un pays tiers est la seule solution aux problèmes particuliers d'un réfugié », ajoute-t-elle.
La Nouvelle-Zélande est un des 17 pays qui collaborent avec l'UNHCR pour la réinstallation. Les autres sont l'Argentine, l'Australie, le Bénin, le Brésil, le Burkina Faso, le Canada, le Chili, le Danemark, la Finlande, l'Islande, l'Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Selon Ita Schuette, responsable de l'UNHCR pour la réinstallation à Addis-Abeba, l'an passé, l'UNHCR a aidé 700 réfugiés qui avaient gagné l'Ethiopie à se réimplanter dans des pays tiers.
Juste avant que le groupe d'Oumer ne parte, Izabella Aron et 34 autres réfugiés érythréens ont quitté Shimelba pour être réinstallés aux Etats-Unis. Pour sa part, elle ne partageait pas du tout les inquiétudes d'Oumer à propos de son nouveau pays. En fait, elle était absolument ravie.
« Ce que j'appelle « chez moi », c'est là où je peux vivre de façon digne et prospère, et j'ai toutes les raisons de fêter cette opportunité particulière », déclare, tout sourire, cette mère de sept enfants âgée de 45 ans. Elle dit qu'en tant que membre du groupe Kunama en Erythrée, elle était empêchée de vivre dignement et de façon prospère.
« En 1991, lorsque l'Erythrée fut 'libérée', le nouveau gouvernement m'a harcelée et m'a emprisonnée pendant 7 mois pour la simple raison que j'étais issue d'une minorité ethnique et que j'étais mariée à un ancien soldat éthiopien », déclare Izabella. Cette expérience et la peur d'être à nouveau l'objet de persécutions l'ont poussée à fuir vers l'Erythrée en 1992. (L'Erythrée a gagné sa guerre d'indépendance contre l'Ethiopie en 1993, mais les deux anciens ennemis se querellent toujours au sujet de leurs frontières.)
Pour Izabella, la fuite était tellement urgente qu'elle ne réussit à emmener que deux de ses enfants avec elle - un fils et une fille - et dut abandonner les cinq autres.
« Mon plus grand rêve est de travailler lorsque je serai aux Etats-Unis afin de récupérer mes enfants et de réunir la famille », déclarait-elle en emballant ses maigres effets personnels dans une nouvelle valise, dans un petit hôtel d'Addis-Abeba, juste avant de partir avec son fils, sa fille et sa nièce.
A bord du même vol se trouvait Haïlé-Mariam Kahsay, un ancien étudiant universitaire érythréen de 28 ans qui était réfugié dans le camp de Shimelba depuis février 2003.
« J'ai toujours voulu visiter les Etats-Unis d'Amérique, mais je ne voulais pas y aller en tant que réfugié » dit-il. Maintenant, il projette de finir ses études de biologie et de « grimper les échelons universitaires ».
Pour Haïlé-Mariam, la réinstallation aux Etats-Unis est aussi « une sorte de libération des réalités de la vie au camp ». « En fait, c'était la première fois que je quittais mon pays, et j'ai trouvé la vie dans le camp particulièrement difficile », explique-t-il.
« Pour moi, vivre dans un camp signifie vivre avec des ressources très limitées et avec une liberté de mouvement réduite. » La vie aux Etats-Unis, il en est sûr, sera tout à fait différente. « La chose la plus sacrée dont je me réjouis de bénéficier aux Etats-Unis est la liberté qui y existe », dit-il avec un sourire confiant.
Par Kisut Gebre Egziabher, Bureau régional de liaison de l'UNHCR, Addis-Abeba