Les réfugiés en Namibie confrontés à la double menace de la réduction de l'aide et du changement climatique
Les réfugiés en Namibie confrontés à la double menace de la réduction de l'aide et du changement climatique
Mbuyi Kayembe est l'un des 7000 résidents du site d'Osire, situé dans une zone aride à plus de 200 kilomètres de Windhoek, la capitale de la Namibie. Il a fui son foyer en République démocratique du Congo (RDC) en 1993 en raison du conflit qui a coûté la vie à ses deux parents.
Mbuyi s'est d'abord réfugié en Zambie, où il a rencontré sa femme Mary, dont le père avait également été tué par des rebelles. Lorsque leur fille Sarah est née atteinte d'albinisme, leur vie a de nouveau été mise en danger. Sa fille était devenue la cible de personnes pratiquant la sorcellerie et Mbuyi a été approché par un chef de l'armée locale pour lui acheter des parties de son corps afin de les utiliser dans la médecine traditionnelle. Leur sécurité étant menacée, la famille a fui une nouvelle fois, cette fois en Namibie.
Dans le site d'Osire, des terres sont réservées aux réfugiés pour qu'ils puissent cultiver des fruits et des légumes, ce qui permet à Mbuyi de compléter les rations alimentaires de la famille et lui assure un petit revenu lorsqu'il vend les récoltes excédentaires.
« La nourriture que nous recevons ne nous permet pas de tenir tout le mois. »
Aujourd'hui cependant, la vie sur cette terre autrefois fertile est devenue plus difficile. Les perturbations du climat et la diminution des rations alimentaires due à la réduction des budgets d'aide font que la famille de Mbuyi se retrouve parfois sans nourriture pendant plusieurs jours. Avec des températures atteignant près de 40°C à Osire et une pénurie d'eau, les réfugiés ont du mal à cultiver les terres qui constituaient jusqu'à présent une source vitale de nourriture et de revenus. Malgré sa débrouillardise, Mbuyi craint désormais pour l'avenir de ses cinq enfants.
« La nourriture que nous recevons ne nous permet pas de tenir tout le mois », dit-il, dans le logement sombre de deux pièces avec un seul matelas où vit cette famille de sept personnes. « Nous n'avons pas reçu de paraffine pour cuisiner depuis plusieurs mois. Nous n'avons pas d'autre choix que de chercher du bois pour le feu dans les fermes privées qui entourent le site. C'est illégal mais si nous ne le faisons pas, nous ne pouvons pas faire cuire nos aliments. Nos enfants mourraient de faim. »
« Sarah ne peut pas sortir sans attraper des coups de soleil », ajoute-t-il. « À midi, il fait très chaud dehors et cela me fait mal, en tant que parent, de la voir souffrir de cette chaleur. Je suis obligé de vendre les quelques rations que je reçois pour lui acheter de la crème solaire. »
Installés à 90 minutes de la ville la plus proche, les réfugiés d'Osire sont coupés de toute possibilité d'intégration et dépendent de l'aide humanitaire.
Alors que les besoins augmentent, l'aide humanitaire est sous forte pression dans la région en raison de la forte hausse des prix du carburant et de la nourriture. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a récemment fait savoir qu'en l'absence de 700 millions de dollars de fonds supplémentaires avant la fin de l'année, le HCR serait contraint de réduire l'aide vitale apportée aux personnes déracinées à travers le monde.
En Namibie, sous l'effet de l'inflation, le budget alloué par le HCR pour financer une année de nourriture pour les réfugiés n'a duré que huit mois. Les projets relatifs aux moyens de subsistance menés à Osire, qui apportent un soutien aux réfugiés en matière d'agriculture et d'élevage à petite échelle afin qu'ils puissent être plus autonomes, ont déjà dû être supprimés en septembre.
Le changement climatique accentue ces difficultés. Les faibles précipitations ont entraîné une mauvaise récolte : l'hectare mis à la disposition des réfugiés devrait déjà être couvert de belles pastèques mais, sans eau, les fruits se sont fendus avant d'avoir atteint leur pleine maturité. Les oignons et le maïs sont desséchés. La moitié des puits de forage du site sont à sec.
« Ici, dans le désert, sans nourriture, nous ne pouvons pas survivre », déclare Chantal Mwamarakiza, mère célibataire qui a dû fuir le Burundi lorsque son mari a été battu à mort. Elle a trouvé refuge en Namibie, mais son avenir est incertain, car les pluies saisonnières ne sont pas encore arrivées et la hausse des températures compromet sa capacité à subvenir aux besoins de sa famille. « Nous cultivons nos potagers, mais l'eau s'est tarie et rien ne pousse. Je dois vendre mes rations de haricots et de maïs pour acheter d'autres aliments pour les enfants et parfois je n'ai pas d'argent pour les envoyer à l'école. »
Martin Byendimbwa, président du Comité de la communauté des réfugiés de Namibie et ardent défenseur de ses camarades réfugiés, se fait l'écho de ces préoccupations.
« Le problème est l'inflation », dit-il. « Le prix d'un sac de farine de maïs, notre aliment de base, ne cesse d'augmenter. Je suis reconnaissant au gouvernement namibien d'avoir mis à notre disposition ce site mais, sans droit à l'emploi, nous ne pouvons pas mettre à profit notre formation et subvenir à nos besoins. »
« Je pleure pour l'avenir de mes enfants. »
La responsable du bureau du HCR en Namibie, Bernadette Muteshi, s'inquiète des conséquences du manque de financement pour les réfugiés. « Notre budget a fortement diminué, c'est pourquoi nous devons prendre des décisions difficiles et réduire les services offerts », explique-t-elle. « Nous ne donnons que des rations de base qui ne tiennent que trois semaines par mois. Nous n'avons pas de fonds supplémentaires pour soutenir davantage les personnes dans le besoin, comme les femmes enceintes et les mères allaitantes, ou les personnes vivant avec le VIH et le SIDA. Ce sont les réfugiés qui doivent compenser cette pénurie et ils sont en difficulté en raison de la sécheresse. »
« Il faut absolument que les donateurs viennent en aide à cette population en lui apportant une assistance immédiate et durable. S'ils ne le font pas, ils seront laissés pour compte. C'est déchirant. »
Lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP27, qui s'est tenue ce mois-ci, le Secrétaire général des Nations Unies a appelé la communauté internationale à protéger les plus vulnérables des conséquences du changement climatique. Les réfugiés en Namibie, qui subissent encore les conséquences d'un violent conflit et sont désormais confrontés à l'insécurité alimentaire, risquent, sans une intervention urgente, de tomber dans l'oubli.
« Je pleure pour l'avenir de mes enfants », dit Mbuyi. « Je vois que mon avenir s'assombrit avec les années qui passent. J'ai tout perdu dans ma vie. J'ai étudié la mécanique mais je n'ai pas de travail. Je prie pour que mes enfants n'aient pas une vie comme la mienne. »