Seules, deux fillettes survivent d'herbe et de feuilles lors de leur fuite en exil en Ethiopie
Seules, deux fillettes survivent d'herbe et de feuilles lors de leur fuite en exil en Ethiopie
GAMBELLA, Ethiopie, 25 juillet (HCR) -- Nyawech Chuol, 12 ans, ne cesse de sangloter quand elle raconte la nuit durant laquelle la guerre civile au Soudan du Sud l'a affectée personnellement. Sa soeur de huit ans, Nyalouk, est traumatisée au point de ne plus parler. Elles ont perdu leur famille après une fusillade et sont désormais complètement seules en terre étrangère.
Nyawech explique que sa famille dormait, il y a quelques semaines, quand le conflit déchirant le Soudan du Sud depuis sept mois a atteint son village, Matiang, dans l'Etat du Haut Nil.
« Il faisait très sombre cette nuit-là et nous étions tous en train de dormir quand nous avons entendu des coups de feu », dit-elle, par la voix d'un interprète dans un centre d'accueil bondé au point de passage frontière de Pagak juste à l'intérieur de l'Ethiopie.
« Je me souviens seulement d'avoir mis ma robe, d'avoir pris ma plus jeune soeur par la main et d'avoir couru hors de la maison dans l'obscurité. » La famille a fui dans des plusieurs directions et, depuis, elle n'a pas revu ses parents.
« Quand la lumière du jour est arrivée et que j'ai vu seulement Nyalouk avec moi, j'ai réalisé que mon père, ma mère et mes deux soeurs aînées n'étaient pas avec moi et j'ai beaucoup pleuré », dit-elle, alors que les larmes coulent de nouveau sur ses joues.
Même si elle n'a que 12 ans, Nyawech a pris sa jeune soeur par la main et elles ont suivi des étrangers en route vers la sécurité en Ethiopie. Elle ne sait pas exactement combien de temps ils ont marché pour arriver jusqu'ici mais, pour d'autres, le voyage en quête de sécurité a duré des semaines.
Ce qu'elle sait, c'est qu'elles sont arrivées très affamées et très déshydratées. Tout ce qu'il y avait à manger le long de la route, c'était des herbes sauvages et des feuilles. Elles ont bu de l'eau non potable dans des mares.
Comme beaucoup d'enfants voyageant seuls et laissés à eux-mêmes, les deux fillettes sont arrivées dans l'État éthiopien de Gambella à l'ouest du pays. De nombreux enfants non accompagnés y arrivent chaque jour. Certains ont eu la chance de retrouver leurs parents ou des proches à leur arrivée dans l'un des trois camps de réfugiés situés à proximité. Mais il y a aussi plus de 1 500 mineurs non accompagnés et environ 5 540 enfants séparés de leurs familles vivant dans les camps et qui sont pris en charge par d'autres réfugiés.
Les 177 000 réfugiés sud-soudanais se trouvant dans les camps gérés par le HCR (et les autorités éthiopiennes) sont en grande majorité des femmes et des enfants. Les camps ont rapidement atteint leur pleine capacité d'accueil.
« Les autorités éthiopiennes ont alloué un site supplémentaire, dont nous préparons actuellement l'ouverture pour un nouveau camp de réfugiés », explique Oscar Mundia, coordinateur du HCR pour la situation d'urgence à Gambela. « Toutefois, avec plus de 12 000 réfugiés dans deux centres d'accueil en attente de transfert et 883 nouveaux réfugiés arrivant chaque jour, le nouveau site [peut déjà être considéré] comme à moitié plein avant même son ouverture. »
Le HCR est particulièrement inquiet pour les enfants arrivés seuls, explique Oscar Mundia. « Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires afin d'identifier et d'enregistrer correctement les mineurs à la frontière », dit-il. Parmi les autres priorités, il faut retrouver leurs familles et donner aux enfants un service de garde approprié.
Nyawech et Nyalouk ont eu de la chance. Peu de temps après avoir traversé la frontière, une mère de quatre enfants, Nyanyik Thot, les a prises sous son aile. Leur nouvelle « mère nourricière » était de leur village, mais elle ne les connaissait pas auparavant, ni les fillettes ni leurs parents.
« J'ai tout de suite décidé de prendre soin des enfants parce que je pensais que mes propres enfants pourraient avoir subi le même sort », dit-elle simplement. La nouvelle famille élargie vit temporairement dans un immense hangar collectif surpeuplé avec environ 100 autres réfugiés. En tout, quelque 5 000 personnes vivent dans des hangars à Pagak, en attendant leur transfert vers l'un des camps.
« Nous sommes très reconnaissants à Nyanyik de s'être portée volontaire pour prendre soin des deux soeurs, bien qu'elle ait déjà la charge de ses quatre jeunes enfants ayant également besoin de beaucoup d'attention », explique Valérie Laforce, employée du HCR sur le terrain à Pagak.
Entre deux sanglots, Nyawech se souvient de sa vie d'avant et de ses jeux. « Je voudrais rentrer à la maison », dit-elle tranquillement. « Je voudrais retrouver ma famille ainsi que jouer à la marelle et la corde à sauter avec mes amis. »
Par Kisut Gebreegziabher à Gambella