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Une sage-femme retraitée apporte sécurité et espoir aux réfugiées du Nicaragua

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Une sage-femme retraitée apporte sécurité et espoir aux réfugiées du Nicaragua

Depuis son arrivée au Costa Rica il y a plus de 50 ans, Vicenta González s'est donné pour mission d'aider les femmes locales et réfugiées à échapper aux relations abusives puis à se construire une nouvelle vie.
4 Octobre 2022 Egalement disponible ici :

Depuis près d'un demi-siècle, des femmes se rendent à la ferme de Vicenta González pour lui demander de l'aide. Son habitation se trouve au bout d'un chemin de terre cahoteux dans une région reculée du nord du Costa Rica. Pendant la saison des pluies, ce chemin devient un bourbier quasiment infranchissable. Même dans ce cas, son allée est continuellement encombrée de véhicules de toutes sortes et d'un flux constant de visiteurs qui se rendent chez Vicenta à pied.


À un âge où beaucoup prennent leur retraite, Vicenta, arrière-grand-mère de 74 ans et ancienne sage-femme, n'a jamais été aussi occupée. Qu'il s'agisse de lancer des projets communautaires et de trouver du travail aux gens dans une région en proie au chômage, de défier un machisme profondément ancré ou de chercher un refuge pour les rescapées de violences sexistes, elle est le pivot de sa communauté vers lequel beaucoup se tournent pour trouver de l'aide.

Depuis 2018, une crise sociale et politique secoue le Nicaragua, un pays voisin situé au nord du Costa Rica. Cette crise a déjà forcé plus de 200 000 personnes à fuir le pays. Vicenta - dont la ferme se trouve à quelques kilomètres de la frontière - travaille sans relâche pour fournir de la nourriture, un abri et des produits de première nécessité aux femmes demandeuses d'asile et à leurs enfants.

« Ils sont vraiment dans le besoin et nécessite un endroit où trouver refuge. A leur arrivée, ils ne savent pas où aller et ne connaissent personne », a déclaré Vicenta, couramment appelée Doña Vicenta. « Si quelqu'un arrive en étant malade, je dois trouver comment l'aider. Si quelqu'un a été blessé, je dois trouver comment le défendre... Je dois être infirmière, médecin, psychologue, baby-sitter. »

Dans le cadre de son travail de défense des droits des femmes vulnérables des deux côtés de la frontière voisine, Vicenta a été désignée en tant que lauréate régionale 2022 pour les Amériques de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés, un prix annuel prestigieux qui rend hommage à des personnes, des groupes et des organisations dont l’action va bien au-delà de leurs obligations professionnelles pour protéger les réfugiés, les déplacés et les apatrides.

Comme beaucoup dans cette région frontalière poreuse, Vicenta a des racines au Nicaragua. Née dans ce pays, elle est la quatrième des cinq enfants de ses parents ouvriers agricoles. Comme de nombreuses jeunes filles en milieu rural dans une grande partie de l'Amérique centrale, elle a eu peu d'occasions d'étudier et restait à la maison. Pourtant, Vicenta raconte que, dès son enfance, elle rêvait déjà de voyager et d'échapper aux contraintes strictes dans son village natal.

Sa générosité s'est également révélée très tôt. Vicenta se souvient qu'elle avait environ 12 ans lorsqu'elle a défié l’interdiction de sa mère de rendre visite à un voisin souffrant d'une maladie pulmonaire contagieuse, en lui apportant en cachette de la nourriture et des médicaments.

Cette même générosité a refait surface après sa rencontre avec son mari costaricien et son installation dans son pays, il y a 55 ans. Peu après, le jeune couple a acheté une ferme de 11 hectares avec une ancienne plantation de cacao, près de la ville frontalière d'Upala, au nord du pays. Elle est rapidement devenue une figure clé de la communauté, s'imposant comme la sage-femme attitrée de la région et endossant également le rôle de secouriste. Bien avant la construction du chemin de terre menant à la propriété, les gens se rendaient à la ferme en canoë sur une rivière voisine pour demander l'aide de Vicenta en cas de naissance ou d'urgence. Au fil des décennies, elle a aidé à l’accouchement de 213 bébés, a eu elle-même deux enfants, en a accueilli et élevé trois autres, dont l'un est revenu récemment à la ferme, avec sa propre famille, après le décès du mari de Vicenta.

Même après avoir mis fin, ces dernières années, à son rôle de sage-femme, les femmes ont continué à demander de l'aide à Vicenta. Elle se souvient d'un incident particulièrement pénible : une femme nicaraguayenne s'est présentée sur le pas de sa porte, accompagnée de sept enfants, à la recherche d'un travail et d'un endroit sûr après que son mari l'ait attaquée à coup de marteau.

« Sans connaître ses propres droits, on ne peut pas vivre la tête haute. »

D'innombrables incidents similaires ont conduit Vicenta à créer l'AMECUP, dont l'acronyme en espagnol se traduit par l'Association des femmes entrepreneurs d'Upala, une organisation qui se consacre à la défense des femmes et de leurs droits.

« Sans connaître ses propres droits », indique Vicenta, « on ne peut pas vivre la tête haute. »

Le travail d'AMECUP s'articule notamment autour de « goûters » réguliers, au cours desquels les femmes se réunissent à la ferme de Vicenta et parlent ouvertement de sujets tabous, tels que la violence sexiste. Lorsqu'elles identifient des femmes victimes de ces violences, les membres de l'association s'efforcent de leur trouver la meilleure solution, qu'il s'agisse d'une thérapie de couple voire de leur trouver un refuge.

Pour les femmes qui décident de quitter une relation violente, Vicenta les envoie vers des centres d’hébergement temporaires ou les oriente vers des agences gouvernementales ou des ONG. Le manque d'emplois dans la région contraint souvent les femmes à rester dans des relations violentes. C'est pourquoi AMECUP fournit également aux victimes les compétences dont elles ont besoin pour créer leur propre petite entreprise, en organisant des ateliers sur des métiers comme la boulangerie ou la fabrication de savon.

Les femmes qui ont fui le Nicaragua sont particulièrement vulnérables à la violence sexiste, explique Vicenta. Souvent, elles ont traversé la frontière sans papiers, avec très peu d’effets personnels et des enfants dans les bras.

« Elle (Vicenta) est très attachante », a déclaré Yamileth García, la toute première femme maire d'Upala. « Elle a un cœur noble et ce désir, ce don de pouvoir aider ses semblables, notamment les personnes qui viennent du Nicaragua. »

Vicenta a cédé une partie de sa propriété à la cause. Les fèves de cacao issues de sa plantation biologique servent de matière première à une large gamme de produits – allant des pépites et des tablettes de chocolat, du thé et du « vin de cacao », aux produits de beauté tels que des crèmes hydratantes pour le visage et des gloss pour les lèvres. L’ONG collecte des fonds en vendant les produits sous le label Cacaotica et, en échange, les membres de la coopérative donnent un coup de main pour l'entretien des 3000 arbres de la plantation, une tâche nécessitant une importante main-d'œuvre. 

« Ce qui me motive, c'est l'amour que je ressens pour les autres », explique Vicenta, dont les souvenirs de son arrivée ici alors qu'elle était une jeune femme l'aident à comprendre les problèmes des réfugiés et des demandeurs d'asile qui fuient aujourd'hui son Nicaragua natal. « J'ai l'impression de vivre leurs problèmes... J'ai subi des problèmes (similaires) quand je suis arrivée... C'est ce qui me motive et me remplit d'émotion. »

« Elle est un modèle pour nous toutes. »

Travailler avec Vicenta et les autres femmes d'AMECUP a été une aubaine pour Carmen*, une Nicaraguayenne de 38 ans, mère de trois enfants, qui a fui les persécutions dans son pays avec ses enfants, ses sœurs et sa mère.

« Elle est un modèle pour nous toutes », dit Carmen. Grâce à l'aide de Vicenta et des autres femmes, elle a finalement pu échapper à une relation abusive et subvenir aux besoins de sa famille en fabriquant et en vendant des savons artisanaux. « Elle montre aux femmes comment apprendre un métier et subvenir à leurs besoins, afin de ne pas dépendre des autres. »

À la question de savoir si elle a déjà craint que son travail ne la mette en danger, Vicenta a décrit avoir été menacée par le mari d'une femme à qui elle avait donné refuge.

« Je lui ai dit : 'Eh bien, si je dois mourir maintenant, ce sera pour défendre les femmes' », se souvient-elle, ajoutant : « J'ai tout donné, j'ai consacré ma vie à (aider) les femmes à échapper à la violence. » 

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