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Une radio communautaire favorise l'intégration des réfugiés au Malawi

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Une radio communautaire favorise l'intégration des réfugiés au Malawi

Au Malawi, des jeunes réfugiés travaillent en étroite collaboration avec les communautés locales au sein de la station de radio Yetu et produisent des émissions qui combattent les préjugés.
13 Février 2024 Egalement disponible ici :
Un homme interviewe une femme à l'extérieur sur deux chaises en plastique, devant un bâtiment en briques.

Arsène Bogi Lumière (à gauche) interviewe Chikwanine Leki Chihanza, une réfugiée congolaise, pour son émission diffusée sur la radio communautaire Yetu dans le camp de réfugiés de Dzaleka, au Malawi.

Lorsqu'Arsène Bogi Lumière a fui le conflit dans l'est de la République démocratique du Congo avec sa famille en 2017, il n'aurait jamais imaginé qu'il se retrouverait un an plus tard à travailler comme journaliste radio dans un camp de réfugiés au Malawi.

Il travaille pour la radio communautaire Yetu dans le camp de Dzaleka depuis qu'elle a commencé à émettre il y a cinq ans.

« Depuis que je suis tout petit, je rêve de devenir journaliste », explique Arsène. « Lorsque la radio communautaire Yetu a été lancée, je me suis dit que j'allais tenter ma chance. »

D'abord stagiaire, il est rapidement passé reporter et présentateur. « Ce que j'aime à la radio, c'est qu'en présentant vos programmes, vous pouvez à la fois éduquer, divertir et informer », explique-t-il. « Les gens nous écoutent, ils considèrent les présentateurs comme des modèles à suivre. Les enfants réfugiés nous écoutent également. Ils me demandent de les emmener au studio, ils veulent voir comment nous travaillons. »

Un homme devant un ordinateur et un microphone, à la présentation d'une émission de radio

Arsène à la présentation de son émission depuis le studio Yetu dans le camp de Dzaleka.

Yetu – qui signifie « à nous » en swahili – diffuse des programmes en chichewa (la langue officielle du Malawi), en anglais, en français, en swahili et en kinyarwanda (la langue officielle du Rwanda). Ces programmes comprennent des bulletins d'information locaux, nationaux et internationaux, ainsi que des émissions en direct axées sur des questions telles que la violence sexuelle et sexiste, la protection des enfants, les moyens de subsistance, la santé, le développement communautaire et le sport.

Des exemples de réussite

La station emploie 17 femmes et hommes – neuf réfugiés et huit ressortissants du Malawi – en tant que présentateurs, reporters, producteurs et techniciens. Le contenu des émissions repose sur des entretiens avec les réfugiés du camp, qui évoquent leur vie, leurs problèmes et leurs besoins.

« De nombreux réfugiés s'en sortent bien, ils ont des petits commerces et demandent régulièrement à participer à mes émissions consacrées au bien-être de la communauté », explique Arsène. « C'est un bon moyen de mettre en avant les succès de certains des réfugiés au sein de la communauté. »

Les journalistes de Yetu se penchent également sur les problèmes auxquels sont confrontés les réfugiés à Dzaleka, notamment en raison de la surpopulation. Le camp a été créé en 1994 pour accueillir entre 10 000 et 12 000 réfugiés fuyant les conflits dans la région des Grands Lacs. Il accueille aujourd'hui plus de 50 000 réfugiés, principalement originaires du Burundi, de la RDC et du Rwanda. Les journalistes de la station attirent régulièrement l'attention dans leurs émissions sur les classes surchargées dans les écoles, les files d'attente interminables pour accéder aux points d'eau ou aux centres de santé, et les difficultés à trouver un endroit pour construire un logement décent.

Les récentes réductions de l'aide alimentaire par les agences humanitaires en raison d'un manque de fonds ont aggravé les niveaux de pauvreté dans le camp et forcé certaines femmes à se tourner vers la prostitution pour pouvoir nourrir leur famille.

Selon Jellium Kamphandira, 26 ans, originaire du Malawi et directeur de la station de radio Yetu, un autre sujet sensible est la décision prise l'année dernière par le gouvernement d'obliger tous les réfugiés qui vivaient et travaillaient dans les zones rurales et urbaines du pays à se rendre dans le camp de Dzaleka.

Deux hommes souriants devant le bâtiment de la station de radio communautaire Yetu

Arsène (à gauche) discute avec le directeur de la station Yetu, Jellium Kamphandira.

« De nombreux réfugiés qui vivaient de façon autonome en milieu urbain comme en milieu rural ont été contraints de retourner à Dzaleka au cours des derniers mois », explique Jellium Kamphandira. « Nous essayons de prendre en compte les points de vue de chacun : celui des réfugiés, celui du HCR et celui des autorités. Ce n'est pas toujours facile, mais nous faisons de notre mieux. »

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, met l'accent sur le fait que le camp est déjà surpeuplé et que cette politique exercera une pression supplémentaire sur des ressources très limitées. Les autorités quant à elles invoquent des raisons de sécurité pour justifier leur volonté de regrouper tous les réfugiés sur un même site. À ce jour, elles ont renvoyé quelque 2 300 réfugiés à Dzaleka.

Combattre les stéréotypes

Jellium Kamphandira admet que lorsqu'il a commencé à travailler à la radio, il se faisait de fausses idées sur les réfugiés. En travaillant à leurs côtés, sa vision des choses a évolué.

« Personne ne choisit de devenir un réfugié », dit-il, « les réfugiés sont des gens comme nous. Les valeurs qui nous poussent à aller de l'avant sont les mêmes. Au fil du temps, mes collègues journalistes et moi-même avons réalisé que les deux communautés, les réfugiés et les ressortissants du Malawi, ont besoin des mêmes choses pour pouvoir améliorer leurs conditions de vie. Ces deux communautés ont le potentiel nécessaire pour favoriser un mieux-être pour tous. »

La radio communautaire Yetu a également contribué à lutter contre l'hostilité et les malentendus entre les réfugiés et les communautés voisines du camp.

« Les réfugiés sont des gens comme nous. »

Jellium Kamphandira, directeur de la station de radio Yetu

 

Trois hommes participent à une interview radio, en extérieur, devant une voiture.

Arsène interviewe Valentin Tapsoba (au centre), Directeur du Bureau du HCR pour la région de l'Afrique australe, lors de sa visite à Dzaleka en juin 2023, sous le regard de Cyr Modest Kouame (à droite), Représentant du HCR au Malawi.

« Par sa programmation, la station de radio a contribué à favoriser l'inclusion des réfugiés et la coexistence pacifique non seulement dans le camp, mais aussi dans le district de Dowa où se trouve Dzaleka, ainsi que dans la capitale », explique Cyr Modeste Kouamé, le Représentant du HCR au Malawi. « Les auditeurs interagissent avec les présentateurs et les producteurs réfugiés et malawites, ce qui contribue à une meilleure entente entre les communautés. »

Le HCR a entièrement financé la mise en place de la station de radio, qui est sous la supervision de son partenaire, Plan International Malawi. En 2020, le matériel a été modernisé pour permettre à la radio d'émettre dans un rayon de 100 kilomètres. Ses programmes peuvent désormais être captés à Lilongwe, la capitale du Malawi, située à 45 kilomètres de là. La radio émet sur 107.6 FM et est accessible en ligne.

Un homme souriant pose devant un bâtiment aux rayures orange et jaunes.

Arsène à l'extérieur du studio après avoir présenté son émission de l'après-midi.

Arsène espère que la radio Yetu pourra bientôt émettre au niveau régional et national afin que les auditeurs puissent en apprendre davantage sur les réfugiés et sur la façon dont ils peuvent être un atout pour le développement du pays qui les accueille. D'ici cinq ans, il se voit travailler pour une radio internationale.

« J'aimerais beaucoup travailler pour la BBC, ce serait un rêve devenu réalité », confie-t-il. « Ce métier me donne la chance incroyable de pouvoir interagir avec des personnes de cultures et de milieux très différents... Et bien sûr, travailler en étroite collaboration avec mes collègues malawites est quelque chose de très intéressant, car cela m'aide à mieux comprendre leur culture », explique-t-il. « En fin de compte, nous sommes tous des Africains. »