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Andrey Vesnin, apatride post-soviétique

Andrey Vesnin, apatride post-soviétique

28 May 2018
Lors du démantèlement de l’Union soviétique, Andrey Vesnin s’est retrouvé sans nationalité. Une situation qui l’a privé de nombreux droits des décennies durant. © UNHCR/Mark Henley

Lorsque l’on rencontre Andrey Vesnin, on remarque d’abord ses yeux doux et ses traits arrondis – une malice discrète, qui perdure malgré les années. Difficile de deviner ainsi, au premier regard, le long parcours qui l’a conduit jusqu’en Suisse et à Lausanne, où il nous raconte son histoire hors du commun.

Andrey est apatride. Comme pas moins de 10 millions de personnes à travers le monde, il a vécu le drame de ceux qu’aucun pays ne reconnait comme l’un de ses ressortissants. Des lacunes législatives, des discriminations ethniques et religieuses – ou encore l’absence de possibilités offertes aux mères de transmettre leur nationalité à leurs enfants – constituent les principales causes d’apatridie. Pour Andrey, il s’agissait cependant d’un autre cas de figure: une perte de nationalité résultant de la dissolution, partielle ou complète, d’un Etat.

«La chute de l’Union Soviétique m’a rendu apatride»

Andrey Vesnin, né en 1962, a vécu près de 25 ans sans reconnaissance officielle suite au démantèlement de l’URSS.

 

«La chute de l’Union Soviétique m’a rendu apatride», explique ainsi Andrey. Né en 1962 en URSS, il déménage sur le territoire de l’actuelle Lettonie à 23 ans. Il s’y marie, fonde une famille et entame une formation de vétérinaire. Lors du démantèlement de l’Union soviétique en 1991, Andrey se voit pourtant refuser l’obtention d’un document d’identité letton. L’exercice d’une soixantaine de métiers, dont celui de vétérinaire, lui est par ailleurs interdit.

Andrey retourne alors en Russie, où il n'est pas non plus reconnu en tant que citoyen mais obtient le statut de réfugié, et peut ainsi terminer sa formation. Il y travaillera pendant plusieurs années avant de chercher à retourner en Lettonie pour régulariser sa situation. N'y parvenant pas, il doit souvent se résigner à vivre dans la clandestinité, allant jusqu’à habiter dans les bois qui bordent la frontière russo-lettonne. Entre la chasse de petit gibier et l’instinct de survie, il parvient à se débrouiller pendant plusieurs années. Mais sa santé en pâtit aussi clairement: à force de privations, il perd même une partie de sa dentition.

 

 

Après des années de démarches infructueuses, il est finalement contraint à quitter le territoire de la République balte en 2005. C’est à ce stade qu’il se décide à rejoindre la Suisse, où il dépose une demande d’asile et obtient tout d’abord une admission provisoire. Il continue pourtant à se démener pour être officiellement reconnu en tant qu’apatride par les autorités suisses. Près de 25 ans après la chute de l’URSS, il obtient finalement gain de cause en 2015, est reconnu en tant qu’apatride et reçoit une autorisation de séjour assortie d’un passeport pour étrangers, de couleur verte. «J’ai fait la fête et j’ai beaucoup pleuré en apprenant la nouvelle, se rappelle-t-il. Pour la première fois en plus de vingt ans, je me suis senti considéré comme un être humain – avec de réels droits et un véritable statut.»

«J’ai fait la fête et j’ai beaucoup pleuré en apprenant la nouvelle. Pour la première fois en plus de vingt ans, je me suis senti considéré comme un être humain – avec de réels droits et un véritable statut.»

Andrey explique son soulagement lorsque la Suisse a reconnu son statut d’apatride.

 

Pour la plupart d’entre nous, avoir une nationalité et les avantages qui l’accompagnent va de soi. Pour un apatride comme Andrey, après tant d’années passées la peur au ventre – peur d’être questionné, renvoyé ou emprisonné, mais aussi crainte de raconter sa véritable histoire – l’obtention de papiers d’identité représente souvent un véritable choc. «Mais un choc positif bien sûr», précise-t-il avec le sourire – armé des dents qu’il a finalement pu faire soigner en Suisse.

Ce passeport vert lui offre aussi une liberté nouvelle: celle de pouvoir à nouveau se déplacer en Suisse et de voyager légalement en Europe. Il a ainsi en tête de nombreux projets qui, fort de cette reconnaissance, lui permettraient de se détacher de l’assistance sociale. «J’ai encore dix ans devant moi avant d’être à la retraite. Je rêve d’ouvrir une pépinière dans les hauts de Lausanne, mais je n’ai pas encore trouvé le terrain ou les bailleurs nécessaires.»

«J’ai encore dix ans devant moi avant d’être à la retraite. Je rêve d’ouvrir une pépinière dans les hauts de Lausanne.»

Fier de cette reconnaissance, Andrey a encore de nombreux projets en tête pour l’avenir.

 

 

En attendant, Andrey consacre du temps à une association qui milite contre les organismes génétiquement modifiés. Il prépare des semences biologiques, à vendre sur les marchés spécialisés, aide à charger les camions de livraison, participe aux réunions et travaille la terre dès qu’il le peut. Il voudrait aussi créer une association de soutien aux apatrides: «j’ai mené tant de démarches à ce sujet, et il y aurait tant à faire pour permettre aux apatrides de travailler, d’étudier ou d’avoir accès aux mêmes droits que les autres, comme obtenir une carte bancaire.»

Si la reconnaissance de son statut lui offre enfin une certaine sécurité, il n’en demeure en effet pas moins certains obstacles: l’apatridie étant un problème méconnu, les réactions de surprise et d’incompréhension face à son statut ne manquent pas. De nombreux formulaires administratifs ne lui permettent d’ailleurs même pas de s’annoncer en tant qu’apatride sous le champ consacré à la «nationalité».

Au vu du chemin parcouru, Andrey est toutefois reconnaissant envers la Suisse. «Les tribunaux suisses ont fait un excellent travail, même si cela a pris beaucoup de temps: ils ont su reconnaître mes droits, et m’ont finalement permis de prendre racine quelque part.»

Ce désir d’enracinement, pour lequel il s’est battu contre vents, formalités et marées pendant plus de deux décennies, explique sans doute son amour hors norme pour les arbres et la nature. Et quand on lui demande à quel pays il se sent appartenir aujourd’hui, il conclut, sans amertume: «Je suis une sorte de citoyen du monde. Mais après toutes ces années, je me sens bien sûr un peu suisse aussi.»

 


L’absence de nationalité entraîne de nombreuses difficultés au quotidien. Les personnes apatrides ne peuvent souvent pas ou que difficilement exercer leurs droits fondamentaux, tels que participer à la vie politique, accéder à l’éducation et à l’emploi ainsi qu’à des soins de santé appropriés. La plupart du temps, les apatrides n’ont ni carte d’identité ni passeport et ne peuvent donc pas circuler librement. Il leur est même souvent impossible d’ouvrir un compte bancaire ou de se marier.

Pour plus d’informations, consultez notre brochure: Prévenir l'apatridie, Protéger les apatrides en Suisse et au Liechtenstein.