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Des réfugiées maliennes au Niger fabriquent des masques pour empêcher la propagation du coronavirus

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Des réfugiées maliennes au Niger fabriquent des masques pour empêcher la propagation du coronavirus

Au Niger, des artisanes et des couturières formées par le HCR fabriquent chaque jour jusqu'à 40 masques lavables et personnalisés pour protéger les gens qui les portent et les personnes alentour.
1 Mai 2020
Fatima, une réfugiée malienne, fabrique des masques à la machine à coudre dans un atelier de Niamey

NIAMEY, Niger – Comme de nombreuses femmes touarègues, Fatima, 43 ans, a appris à broder avec ses voisines il y a longtemps dans un village du Sahel perché sur les contreforts rocheux le la chaîne de l’Ader Douchi, près de Menaka dans l’est du Mali.

« Je suis une artisane traditionnelle touarègue. Je confectionne et je répare des articles en cuir pour les gens de ma communauté », dit-elle en montrant sur son téléphone la photo d’un beau pouf en peau. « La fabrication d’objets en cuir est un talent ancestral chez les miens. »

Avec beaucoup d’application, Fatima coud les derniers points d’un masque en tissu blanc. « Je vivais seule avec mon enfant… Quand des groupes armés ont commencé à détruire les villages voisins, j’ai dû m’enfuir. Je suis allée rejoindre un membre de ma famille éloignée au Niger. Ici au moins, je vis en paix. »

« Les gens ont peur de sortir de chez eux. »

Aujourd’hui, Fatima vit dans une tente traditionnelle touarègue aux abords de Niamey. De tous les artisans de sa communauté, elle est la seule à savoir coudre, ce qui lui a valu de recevoir une machine à coudre électrique, achetée avec l’aide du HCR, pour mieux lancer son atelier de couture.

« L’apparition du coronavirus a été très néfaste pour mon petit atelier. Quand je ne peux pas vendre mes créations, je n’ai pas d’argent pour manger. Aujourd’hui, les gens ont peur de sortir de chez eux. Plus personne ne vient m’acheter ce que je fabrique. »

Avant même la confirmation des premiers cas, le Gouvernement nigérien avait rapidement adopté des mesures de prévention pour enrayer la propagation du virus. Outre l’instauration d’un couvre-feu et l’isolement total de la capitale, les autorités ont rendu obligatoire le port d’une protection faciale dans la ville.

Zeinabou, mère et réfugiée malienne de 25 ans, travaille dans un modeste atelier de couture d’une zone défavorisée de Niamey.

Lorsqu’elle était enfant, elle rêvait de devenir coiffeuse et d’ouvrir un salon de beauté à Menaka. Les violences ont réduit son rêve à néant.

« Je me suis retrouvée veuve avec un bébé de 11 mois quand Menaka a été assiégée. Ma mère, mes frères et moi avons marché pendant des jours pour atteindre la frontière nigérienne. De là, une voiture nous a conduits jusqu’à la capitale. »

Elle est aujourd’hui bien intégrée dans la société locale et plaisante avec les femmes nigériennes qui travaillent avec elle dans l’atelier. Elle a épousé Zakoye, un Nigérien de son quartier, et ils ont eu un enfant depuis.

Des femmes telles que Zeinabou et Fatima maintiennent le lien avec leur culture traditionnelle, tout en apportant leurs compétences et leur valeur ajoutée à l’économie locale. « Ces réfugiées font preuve de résilience en dépit des souffrances qu’elles ont endurées et des circonstances dans lesquelles elles se sont retrouvées en arrivant au Niger », déclare Alessandra Morelli, la représentante du HCR au Niger.

Comme Zeinabou, Fatima vend ses masques aux vendeurs de rue nigériens qui sont apparus à tous les coins de rue de la vibrante capitale de Niamey depuis que l’OMS a déclaré l’apparition de la pandémie.

« Je vends mes masques 300 francs CFA pièce (environ 50 centimes), mais ils sont revendus plus chers dans la rue. J’ai conscience que c’est un créneau temporaire, mais avec l’argent que je me fais, je peux continuer à subvenir aux besoins de mes trois enfants. »

« Mes masques sont blancs, gris et bleu. Mais j’ai des clients qui veulent des masques personnalisés à la cire africaine », ajoute Zeinabou qui a fait sien l’adage bien connu « Demandez, c’est livré. »

Au Niger, beaucoup se servent d’accessoires locaux comme les turbans touarègues ou le niqab musulman qui ne dévoilent que les yeux et protègent le nez et la bouche, ou encore de simples masques en tissu cousu maison.

« Tout le monde peut acheter ces articles écologiques et lavables dont l’utilisation permet de ne pas entamer les stocks limités de masques chirurgicaux », explique Alessandra Morelli. « Notre objectif est que chaque réfugié et chaque membre de la communauté hôte dispose de masques produits localement. »

Les stylistes et les entrepreneures telles que Mariama, une réfugiée malienne de 55 ans, ont bien compris que le masque de protection contre le coronavirus est aujourd’hui l’accessoire le plus convoité.

Zeinabou porte l'un des 40 masques qu'elle confectionne chaque jour à Niamey. ©

Mariama dirige le groupe de femmes réfugiées de son quartier et a suivi plusieurs formations dispensées par le HCR, notamment en commercialisation et gestion financière.

« Les pauvres ne peuvent pas se payer les niqabs à la mode et finissent par acheter des masques dans la rue. Ceux qui ont de l’argent préfèrent porter des niqabs personnalisés. J’ai reçu des tonnes de commandes de la part de clients fortunés », ajoute Mariama.

Chez elle au Mali, elle confectionnait des dessus de lit pour les fraîches nuits d’hiver. L’éruption de la rébellion touarègue dans sa ville natale de Menaka l’a contrainte à tout laisser derrière elle et à s’enfuir.

Après des mois sur les routes, elle a fini par trouver la sécurité à Niamey, la capitale du Niger. « J’ai littéralement tout perdu quand je me suis enfuie. Tous mes précieux tissus maliens ont été volés. »

« Je reste dans ma chambre et je ne quitte pas la maison. »

À Niamey, Mariama confectionne des protections faciales originales. « Certaines clientes me demandent de faire des niqabs musulmans dans leur couleur préférée, tandis que d’autres m’amènent des tissus fleuris. Je fabrique différents modèles pour toutes les tailles. »

Mariama souffre d’hypertension et supporte mal la chaleur des mois d’été où les températures peuvent aujourd’hui atteindre jusqu’à 45° entre avril et juin. « Je reste dans ma chambre et je ne quitte pas la maison. Je ne prends aucun risque », dit-elle.

« Comme tout le monde peut se faire contaminer sans le savoir et propager l’infection, on doit tous se couvrir le nez et la bouche », ajoute Zeinabou.

« Les clients doivent aussi s’assurer que leur masque soit propre et les laver souvent », souligne-t-elle. « Les gens doivent se protéger et protéger également ceux qui les entourent. »

« Le HCR peut compter sur des partenaires essentielles pour prévenir la propagation du coronavirus au Niger : les réfugiées elles-mêmes ! Elles sont toutes en première ligne. L’histoire de Zeinabou montre combien elle peuvent jouer un rôle dynamique dans la réponse globale », précise encore Alessandra Morelli. « Leur pays d’accueil est aujourd’hui confronté à une crise et elles ont décidé de restituer ce qui leur a été donné à ceux qui les ont généreusement accueillies et incluses parmi eux. »

Ces trois femmes réfugiées suivent avec attention les nouvelles des effets du virus sur le Niger, un pays dont le système de santé est déjà insuffisant, et appliquent strictement les mesures de prévention.

Mariama a installé un lavabo et du savon devant chez elle et acheté du gel hydroalcoolique. « Si on ne se lave pas les mains, on ne rentre pas », dit-elle avec autorité.

« Je me lave les mains au savon plusieurs fois par jour, mais je suis malgré tout terrifiée de ce que cette maladie pourrait provoquer chez les miens », ajoute Fatima. « Je prie Dieu tous les jours de m’épargner une catastrophe. »

Après avoir fui la violence et le conflit dans le nord du Mali, 58 599 réfugiés maliens vivent aujourd’hui au Niger, dans l’un des quatre sites installés dans les régions de Tillabery et Tahoua qui jouxtent le Mali et le Burkina Faso, dans l’ouest du Sahel, ou dans de grandes villes telles que Niamey où ils ont peu à peu commencé à reconstruire leur existence.

Voilà longtemps que le HCR travaille avec les réfugiés dans le cadre de programmes d’inclusion socioéconomique touchant une large gamme d’activités axées sur des moyens d’existence allant de la production d’articles de toilette au soutien à la fabrication artisanale, en passant par le développement de la petite entreprise.


Le HCR a lancé un appel de fonds de 255 millions de dollars en vue de son plan mondial d’urgence pour la lutte contre le coronavirus afin d’appuyer la préparation et la réponse dans les situations de déplacement forcé au cours des neuf prochains mois. Le Niger est l’un des pays prioritaires où des fonds supplémentaires sont nécessaires pour intensifier les mesures prises par le HCR dans ses opérations de terrain et contribuer ainsi à la lutte contre le COVID-19.