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Discours d'Elvira Haxhiu, au lancement de l'initiative #AvecElles

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Discours d'Elvira Haxhiu, au lancement de l'initiative #AvecElles

11 Décembre 2023

Monsieur l’Ambassadeur, Monsieur le Coordinateur du Forum mondial, cher.es représentants diplomatiques et représentant de la société civile,

C’est avec une grande émotion que je me tiens devant vous aujourd'hui.  

En tant que femme réfugiée, mère et experte réfugiée auprès du HCR participant aux préparatifs du Forum Mondial sur les Réfugiés, je suis honorée d’assister au lancement de l’initiative « Avec Elles », initiative de l’Etat français qui me tient particulièrement à cœur. L’honneur que vous me faites aujourd’hui, c’est celui de toutes les femmes exilées. Je suis heureuse de pouvoir vous partager mon parcours, mes engagements ainsi que de vous exposer les problématiques propres aux femmes réfugiées.

Je suis engagée auprès des réfugiés en France depuis des années afin d’améliorer les conditions de leur accueil et de leur intégration socioprofessionnelle.

Tout d’abord, pendant 5 ans j’ai travaillé pour une association à Tours qui avait pour but d’accompagner les réfugiées dans toutes les démarches de l’insertion professionnelles, en partenariat avec les instances publiques et les entreprises du territoire.
Par la suite, en 2022, quand la guerre en Ukraine a commencé, la ville de Tours a fait appel à moi afin de mettre en place un dispositif pour héberger et accompagner les 800 déplacées ukrainiennes venues en Touraine (la plupart sont des femmes et des enfants). La mise en place par le gouvernement Français de la Cellule Ukraine a permis à plusieurs institutions et acteurs du territoire de collaborer afin de mieux répondre aux besoins des hommes, femmes et filles ukrainiennes. Cette expérience m’a fait comprendre que la clé vers des solutions durables est de parvenir à faire travailler ensemble tous les acteurs.


Forte de ces expériences de terrain, des compétences que j’ai développées et acquises pendant ces années à travailler auprès des personnes réfugiées, j’ai acquis une expertise qui me permet de contribuer et d’améliorer les programmes et projets d’accueil et d’insertion de ces publics. A présent, mes objectifs professionnels et le besoin d’évoluer dans ma carrière m’ont conduit à entamer une formation pour devenir directrice d’établissement dans le domaine social en France.

De vous voir réunis aujourd’hui pour cette belle cause « AVEC ELLES » me donne de la force et beaucoup d’espoir pour la suite de cette initiative. 

Personnellement, je suis reconnaissante envers mon pays, la France, ce pays qui m’a accueillie, qui m’a conduite vers ce chemin et qui a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui.  

Quand le ministère de l’intérieur m’a décerné la médaille de la sécurité promotion « Ukraine », derrière cette médaille, je voyais toutes les instances publiques qui ont cru en moi et qui m’ont vu pas seulement comme une professionnelle mais comme une femme réfugiée avec des compétences à valoriser. 

Faisons aujourd’hui des femmes exilées une force pour les pays d’accueil en leur offrant protection, un accès à l’éducation, un soutien social, matériel et psychologique, le respect et la dignité.

Lorsque nous pensons aux déplacements forcés dans le monde, nous pensons souvent aux chiffres, aux statistiques, à des « vagues » de populations et cela peut avoir tendance à déshumaniser les personnes concernées qui ont chacune leur propre histoire. La situation des femmes exilées dans le monde et en France est complexe, comporte de nombreux défis, et chacune d’elle doit être entendue.

Selon le dernier rapport du HCR, 51 % des personnes déracinées dans le monde, sur 112 ,6 millions, sont des femmes. 57,6 millions de femmes et de filles déracinées ou apatrides vivent dans des situations de crise humanitaire et sont exposées à un risque accru de violences de genre. 

S’agissant de la situation en France : selon le rapport de l’OFPRA de 2022, 40 % des personnes qui demandent une protection internationale en France sont des femmes. Les raisons principales de la demande d’asile de ces femmes sont les mariages forcés et précoces, des violences domestiques et des mutilations génitales. Les femmes exilées subissent la violence, le rejet, l’errance et les difficultés de l’exil pendant le voyage. Elles sont amenées à devoir dormir dans la rue ou dans des campements. Une fois en France, la plupart s’assument seules, mais certaines cherchent refuge auprès d’hommes qui abusent d’elles (souvent sexuellement) en échange de divers services (hébergement, nourriture) Lorsqu’elles tombent enceintes, elles sont alors mises dehors.

Je voudrais ainsi vous parler du cas d’une stagiaire que j’ai rencontrée lors d’un atelier de formation professionnelle que j’animais.

Amara avait vécu le mariage forcé à l'âge de 14 ans avec un homme 30 ans plus âgé qu’elle, elle a subi des violences physiques, sexuelles et psychologiques de la part de cet homme pendant des années. Elle a pu échapper à la violence en quittant son pays, laissant dernière elle avec une immense douleur deux enfants. Le chemin de l’exil a été très dur pour elle.  

Quand elle est arrivée en France, elle n’avait pas de solution d’hébergement et, j’ai compris qu’elle était victime d’une ou plusieurs personnes qui abusait(aient) sexuellement d’elle en échange d’un hébergement et de nourriture. Je suis aussitôt intervenue via mon réseau personnel pour lui porter secours et lui trouver rapidement un logement, en lien avec la ville de Tours.

Malgré cela, les violences qu’elle avait subies ont fini par anéantir ses démarches d’insertion professionnelles : en effet, Amara est tombée enceinte et malgré sa volonté d’avorter, elle n’a pas pu le faire par manque de connaissance du système sanitaire français. Amara a essayé à plusieurs reprises d’avorter elle-même en prenant des médicaments, mettant sa vie en danger. Lorsqu’elle me l’a dit au bout de 5 mois, l’avortement n’était plus légal. Amara tentait donc de cacher sa grossesse car elle savait que cela pouvait l’empêcher de signer un contrat d’apprentissage, mettant ainsi un terme à sa formation. C’est effectivement ce qui est arrivé par la suite et cela a conduit à la rupture de ses démarches d’insertion socioprofessionnelle.

Ce sont des exemples comme celui-ci qui m’ont fait comprendre la gravité du problème et l’urgence de mettre en place des programmes spécifiques pour l’hébergement et l’insertion professionnelle de ces femmes, qui vivent dans des conditions de précarité administrative et économique, et qui peuvent connaître des difficultés liées à l’adaptation au pays d’accueil (isolement, difficultés avec la langue, problèmes de santé, traumatisme psychologique etc). 

Aujourd'hui, nous nous rassemblons pour donner une voix à ces femmes et à ces filles exilées qui ont dû quitter leur foyer pour trouver refuge ailleurs. 

Nous ne pouvons pas ignorer les défis uniques auxquels elles sont confrontées. Que ce soit en raison de la guerre, des persécutions ou des catastrophes naturelles, elles font face à des obstacles supplémentaires qui nécessitent une attention particulière de notre part. 

Participation :

D’abord, je veux insister sur l’importance de la participation des femmes réfugiées dans la mise en œuvre des programmes qui les concerne. Cela garantit que les programmes répondent de manière appropriée à leurs besoins, tout en renforçant leur sentiment d'appartenance, d'émancipation et d'autonomisation.

Dans le contexte de la préparation pour le Forum mondial sur les réfugiés, j’ai vu et j’ai découvert plusieurs projets montés par des femmes réfugiées dans le monde entier. C’est primordial aujourd’hui de soutenir et d’accorder plus de financement à ces projets afin d’encourager l'inclusion sociale, promouvoir la diversité culturelle, reconnaître et valoriser leur contribution à la société d'accueil. Leur participation renforce le lien entre les femmes exilées et crée plus d’espaces collaboratifs où elles peuvent partager les bonnes pratiques. Les femmes exilées apportent des expériences et des perspectives uniques en raison de leurs parcours et de leur savoir expérientiels.

Protection : 

Ensuite, je veux insister sur l’importance de l’accès à la demande d’asile et à l’obtention de protection internationale car beaucoup de femmes exilées en recherche d’une protection se heurtent à des obstacles bureaucratiques, la complexité des procédures et à un manque d’accès à l’information.

Hébergement :

Il faut par ailleurs accorder une attention particulière à la question du logement, comme nous le montre l’histoire d’Amara. Il est primordial d’assurer que les demandeuses d’asile et les femmes réfugiées aient un accès systématique à un hébergement, or cela est très loin d’être une réalité. Pourtant, c’est le premier critère assurant leur protection afin qu’elles ne se retrouvent pas la cible de prédateurs et de violences dans leur pays d’accueil. Les femmes qui ont elles-mêmes subies et fuis la violence doivent donc être hébergés dans des centres spécifiques et adaptés leurs besoins.

Accès aux soins de santé :

Aussi, les femmes exilées rencontrent des obstacles pour accéder aux soins de santé en raison de la barrière linguistique, du manque de connaissances du système de santé français, ou de la peur d’être stigmatisée. Cette problématique doit être adressée pour assurer une prise en charge qualitative de leur santé. Cela fait encore une fois écho au cas d’Amara qui n’a pas pu bénéficier d’un suivi médical lui permettant d’avorter sans se mettre en danger.

Intégration :

Enfin, l’intégration des femmes exilées en France et dans d’autres pays est un défi important. L'apprentissage de la langue, les codes culturels et professionnels de la société d’accueil sont des étapes cruciales pour leur intégration.  

Aujourd’hui, il est nécessaire de créer et développer des programmes favorisant l’insertion socioprofessionnelle des femmes réfugiées. La garde d’enfants et l’apprentissage du français restent les obstacles principaux pour les femmes. 

Avec plusieurs années d’expériences sur le terrain, j’ai remarqué que les programmes favorisant l’accès à l’emploi des personnes réfugiées favorisent très largement les hommes. J’ai l’impression que les politiques d'intégration sont faites par les hommes et pour les hommes. Le moment est venu maintenant de mener plus d ‘actions spécifiques en direction des femmes pour favoriser l’égalité des chances et plus d’opportunités en termes de formations qualifiantes, d’accès à l’emploi et aux études. Ainsi, la France se mobilise, sur son territoire et à l’échelle internationale, et elle s’engage via le lancement de l’initiative « Avec elles » qui nous réunit aujourd’hui et dont je suis extrêmement fière.

Chers diplomates, Le message : 

Vous avez une responsabilité particulière, parce que votre action peut impacter la vie de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le monde entier. Vous pouvez faire de votre politique un modèle d’inspiration pour d’autres pays. 

S’engager en faveur des femmes et des filles exilées fait partie intégrante du renforcement de la paix et de la stabilité dans le monde. Les engagements visant à promouvoir l'égalité des genres, et à éliminer la violence sexiste contribuent à créer des sociétés plus justes et équitables qui garantissent la protection des droits fondamentaux. 

L’initiative "Avec elles " a pour mission de créer un espace sûr, inclusif et respectueux où ces femmes peuvent reconstruire leur vie. Cela va au-delà de fournir des abris et de la nourriture. Cela signifie reconnaître et aborder les problèmes spécifiques auxquels elles font face, que ce soit sur le plan de la santé, de l'éducation, de l'emploi ou de la protection contre la violence. 

Les femmes exilées font preuve d'une incroyable résilience. Elles luttent pour reconstruire leur vie, protéger leur famille et s'intégrer dans la nouvelle société. Beaucoup s'impliquent dans des initiatives locales visant à améliorer leur situation et celle des autres exilés.  Les femmes exilées sont un rappel puissant de la force de la persévérance humaine, même face aux circonstances les plus difficiles.  Protégeons-les !!! 

C’est notre responsabilité de leur offrir un soutien solide, de les aider à regagner leur autonomie et à contribuer positivement à la société qui les accueille. L'émancipation des femmes et des filles exilées est une cause qui mérite notre engagement total. 

Leurs voix, leurs expériences et leurs perspectives seront au cœur de cet action, car nous croyons fermement que c'est en écoutant et en comprenant leurs besoins que nous pouvons créer des solutions durables. 

Je souhaite conclure mon discours avec une citation d’un leader mondial, Barack Obama qui nous dit que :

« Pour savoir si un pays va se développer ou non, il faut regarder la manière dont il traite les femmes. »

Un grand merci pour votre écoute !