Trop de souffrance : mutilations génitales féminines et asile dans l'Union européenne
Trop de souffrance : mutilations génitales féminines et asile dans l'Union européenne
PARIS, France, 18 avril (HCR) - Selon une nouvelle étude* menée par le HCR sur les mutilations génitales féminines (MGF) et l'asile dans l'Union européenne (UE), près de 20 000 femmes, fillettes et adolescentes originaires de pays où se pratiquent l'excision et d'autres mutilations génitales féminines, demandent l'asile dans les pays de l'UE chaque année.
Selon le taux de prévalence des MGF dans leur pays d'origine pour la seule année 2011, plus de 8 800 demandeuses d'asile âgées de 14 à 64 ans présentes dans l'UE auraient subi l'excision ou d'autres mutilations génitales. Parallèlement, plus de 3 600 fillettes et jeunes filles de moins de 14 ans ayant demandé l'asile dans l'UE risquaient de subir des MGF dans leur pays d'origine.
« L'excision et les autres mutilations génitales féminines sont reconnues au niveau international comme une grave violation des droits humains », explique Philippe Leclerc, Représentant du HCR en France. « Cette pratique va à l'encontre de leur droit à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, ainsi que le droit à ne pas être soumises à la torture et à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. »
En 2011, les femmes, fillettes et jeunes filles demandeuses d'asile originaires de pays où se pratiquent les MGF sont arrivées du Nigéria (3 835), de la Somalie (3 340), de l'Érythrée (2 215), de la Guinée (1 965) et de la Côte d'Ivoire (955). La pratique des MGF est considérée comme un acte criminel dans tous les pays membres de l'UE.
La France est le premier pays d'asile pour ces femmes, fillettes et adolescentes. Entre 2008 et 2011, en moyenne, plus de 20% des demandeuses d'asile en France étaient originaires de pays où se pratiquent les MGF. En 2011, 4 210 autres ont demandé l'asile en France.
Selon l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, dans une décision du 21 décembre 2012, le risque d'excision pour une enfant ou une adolescente née en France et qui va dans le pays dont elle a la nationalité est considéré comme une persécution, ce qui lui ouvre le droit à la protection selon la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.
La législation française ne prévoyait aucun droit de séjour pour les parents de ces enfants. Une circulaire du Ministre de l'Intérieur a été adoptée le 5 avril 2013 et prévoit désormais la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux parents d'enfants bénéficiaires d'une protection internationale.
«Le HCR considère que les MGF sont une forme de violence fondée sur le genre qui entraîne des dommages graves, à la fois psychologiques et physiques, équivalant à une persécution, » estime Philippe Leclerc. « Le HCR se félicite donc de la décision du Conseil d'Etat et également de ce que l'unité de la famille puisse être garantie à travers la délivrance de titres de séjour aux parents des fillettes ou jeunes filles reconnues réfugiées.»
Entre 2008 et 2011, la France a accordé la protection internationale à 1 775 femmes, fillettes et jeunes filles ; la majorité d'entre elles sont originaires de Guinée, du Mali et du Congo. Le nombre de femmes bénéficiant de protection internationale en France a augmenté de 345 à 485 entre 2008 et 2011.
Les autorités françaises d'octroi d'asile ne collectant pas de données spécifiques sur les raisons d'octroi de la protection internationale, le HCR a tenté d'estimer quel pourrait être le nombre de demandes d'asile liées aux MGF en France. Selon ces estimations, en 2011, la France aurait enregistré le plus grand nombre de demandes d'asile fondées sur les MGF, autour de 670, dont la plupart seraient originaires de la Guinée et du Mali.
Les statistiques présentées dans ce document se fondent sur les données de l'Eurostat pour la période 2008-2011.
Le HCR espère que cette étude encouragera les États membres de l'UE, avec le soutien d'Eurostat, à collecter plus systématiquement les données qualitatives et quantitatives sur cet aspect rarement étudié du système d'asile, afin de fournir des données statistiques périodiques, complètes et réparties par sexe et âge.
Cette étude vise aussi à encourager la Commission européenne à adopter des lignes directrices interprétatives sur le thème de l'asile et des MGF, afin d'aider les États membres à harmoniser leurs pratiques nationales, conformément au régime d'asile européen commun. En ce qui concerne les autorités nationales en charge de l'asile, ce rapport vise à les sensibiliser aux MGF, et à souligner l'importance de cette problématique pour leur travail, qu'il s'agisse des professionnels de santé, des fonctionnaires des services de l'octroi d'asile ou des autorités judiciaires.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a déjà adopté le 26 novembre 2012 une résolution appelant au niveau international à l'interdiction de la mutilation génitale féminine. Plus récemment, le 15 mars 2013, à l'occasion de la 57ème session de la Commission de l'ONU sur la condition de la Femme, la France s'est félicitée de l'adoption de conclusions sur la prévention et l'élimination des violences contre les femmes et les filles et souligne qu'aucune coutume, tradition ou considération religieuse ne peuvent justifier ces violences.
En partenariat avec des associations engagées dans le domaine des violences à l'encontre des femmes, le HCR s'est associé à l'initiative « Excision, parlons-en ! » qui vise à sensibiliser le grand public et à agir pour l'abandon des mutilations génitales féminines.
« Plus encore que la protection nécessaire de ces jeunes filles avec l'octroi du statut de réfugié, il est impératif de se mobiliser pour éradiquer ces pratiques attentatoires aux droits des femmes », déclare Philippe Leclerc.
* Consultez la version complète du rapport intitulé "Trop de souffrance. Mutilations génitales féminines et asile dans l'Union européenne : une analyse statistique".