Les retours à Srebrenica, derniers développements, juin 2005
Les retours à Srebrenica, derniers développements, juin 2005
Sous-délégation du nord de la Bosnie-Herzégovine - Tuzla
Srebrenica 1995-2005
Tout compte-rendu sur le passé de Srebrenica ou son futur est inévitablement lié à la guerre de 1995, qui a provoqué la mort de quelque 7 800 hommes et jeunes garçons bosniaques abandonnés dans une région que les Nations Unies avaient déclarée « zone de sécurité ». Le 19 avril 2004, dans l'affaire « Procureur contre V.Kristic », la Chambre d'appel du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a unanimement reconnu que cela constituait un acte de génocide.
Comme précisé dans le Rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur la chute de Srebrenica*, « la tragédie de Srebrenica va hanter notre histoire pour toujours ». De plus en plus de charniers sont découverts, 32 inconnus auparavant ont été identifiés par le rapport de la « Commission Srebrenica », publié le 11 juin 2004. Sur les 5 000 corps trouvés à ce jour, 1 327 ont été enterrés au Mémorial de Potocari qui a été officiellement inauguré par l'ancien Président américain, Bill Clinton, le 20 septembre 2003. La création du Mémorial de Potocari est un témoignage sur lequel on peut s'appuyer pour promouvoir le retour et le processus de réconciliation à Srebrenica.
Néanmoins, le fait que la plupart des principaux criminels de guerre soient toujours en fuite et que beaucoup plus d'autres soupçonnés de crimes de guerre continuent à mener une vie normale en totale impunité, est à prendre en compte quand on considère la possibilité de retour dans la sécurité et la dignité. Comme l'avait mis en évidence le rapport (en anglais) de l'UNHCR Mise à jour des conditions de retour en Bosnie-Herzégovine (janvier 2005), certaines catégories de personnes, notamment les témoins des crimes de guerre et des individus gravement traumatisés ont un besoin permanent de protection.
Parmi ceux déjà retournés à Srebrenica ou qui ont manifesté leur intérêt d'y retourner, on note un pourcentage très élevé de femmes chef de famille, ce qui doit être absolument pris en compte. Beaucoup de ces familles sont toujours déplacées dans les cantons de Tuzla et Sarajevo et si elles souhaitent rentrer ou sont dans l'incapacité de le faire, elles sont particulièrement vulnérables, ce qui nécessite une attention des autorités locales ainsi que de la communauté internationale. Pour une évaluation précise des besoins de ce groupe, voir également le rapport de l'UNHCR (en anglais) Etude sur les personnes déplacées dans le canton de Tuzla dans la région de Podrinje, est de la Republica Srpska (République serbe) » (juin 2003).
Comme illustré par l'apparition sporadique de graffiti haineux, d'affiches et de signes visant à décourager les retours et à intimider les rapatriés, la poursuite de la surveillance, la mise en application du respect de la loi et des mesures pour rétablir la confiance sont nécessaires. La présence militaire active de l'OTAN/SFOR à la base opérationnelle de Connor à Bratunac jusqu'à l'année dernière a donné un sentiment de plus grande sécurité aux rapatriés. Le fait qu'aujourd'hui une force de police multiethnique soit opérationnelle à Srebrenica, comprenant 16 policiers issus des minorités (dont l'un d'eux est un responsable) donne espoir que la situation pourra se stabiliser.
* Assemblée générale des Nations Unies, rapport du Secrétaire général suivant la Résolution de l'Assemblée générale 53/35, la chute de Srebrenica, Doc No A/54/549 daté du 15 novembre 1999
Situation générale des retours
Les retours à Srebrenica ont été longs à se mettre en place et beaucoup de familles demeurent toujours déplacées, principalement dans des centres et des installations collectives dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Les retours des minorités à Srebrenica et dans la plupart des régions de la République serbe ont commencé seulement en 2000, environ trois ans après que la plupart des autres régions de Bosnie-Herzégovine aient connu des mouvements de retour importants.
Aujourd'hui, le Maire de Srebrenica, Abdurahman Malkic, soutient très activement les retours. Il y a 57 rapatriés bosniaques issus de minorités qui ont trouvé un emploi municipal. Srebrenica a de cette façon le plus fort taux d'emploi de rapatriés des minorités dans l'est de la République serbe.
Pendant les deux dernières années, l'est de la République serbe a connu les plus grands mouvements de rapatriement de toutes les régions de Bosnie-Herzégovine. La plupart des retours se font depuis les cantons de Tuzla, Sarajevo et Zenica-Doboj dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Les retours des minorités (les musulmans bosniaques) ont tout d'abord eu lieu dans des zones rurales montagneuses isolées, loin du centre des villes. Les infrastructures dans ces zones demeurent en ruine avec des problèmes d'engins non explosées et de mines antipersonnel.
Retours des bosniaques à Srebrenica
ANNEE RETOURS
2000 60
2001 127
2002 462
2003 1455
2004 780
2005 180
Lors du dernier recensement national officiel en 1991, le population de Srebrenica avant la guerre s'élevait à 36 666 personnes, avec la répartition ethnique suivante : 27 572 Bosniaques, 8 315 Serbes, 38 Croates, 380 Yougoslaves et 361 autres. Les estimations actuelles de la population considèrent qu'il y a environ 4 000 Bosniaques et 6 000 Serbes résidant dans la ville. En même temps, les résultats préalables de l'enregistrement des personnes déplacées en 2004-2005 montrent que 1 308 personnes déplacées (391 familles) sont encore à Srebrenica aujourd'hui.
La commission municipale des retours
En décembre 2002, l'Assemblée municipale de Srebrenica a créé la Commission des retours de Srebrenica. Elle comprend 5 membres votants du Conseil municipal, elle est équilibrée ethniquement et politiquement mixte. La commission est aussi composée de deux professionnels et a son bureau dans la ville, accessible au public tous les jours.
La Commission a trois missions : premièrement, enregistrer et recueillir les informations sur les familles intéressées pour un éventuel retour ou pour quitter la ville ; deuxièmement, assister à la sélection des bénéficiaires des projets (à partir d'évaluations de terrain) avec les ONG et les donateurs ; et troisièmement, préparer et présenter des propositions de projets.
L'aide juridique, l'information et le soutien socio-psychologique
Le réseau d'aide juridique « Vasa prava » (Vos droits) - une ONG nationale soutenue par l'UNHCR qui opère en Bosnie-Herzégovine - a un bureau à Srebrenica, composé de deux avocats et d'un responsable de l'information.
Un centre pour le développement local, fondé par la Commission européenne travaille également à Srebrenica. Il soutient la réintégration des rapatriés et intervient en tant que médiateur entre les autorités locales et la population.
AWO, une ONG allemande, a récemment ouvert une « Maison de la confiance » à Srebrenica, qui fournira une cuisine publique, un soutien socio-psychologique, une aide juridique et une assistance médicale.
Le plan de mise en oeuvre de la loi sur la propriété
Le plan de mise en oeuvre de la loi sur la propriété a autorisé tous les propriétaires et les détenteurs de titres d'occupation à reprendre leurs propriétés d'avant-guerre. Le plan de mise en oeuvre de la loi sur la propriété a été complété en février 2004 après que 1 688 familles aient réintégré leur ancienne demeure. Cependant, environ 500 familles qui n'ont pas de propriété, doivent se loger dans les aménagements prévus par la municipalité. Ces familles pourraient bénéficier de l'assistance à la reconstruction sous l'égide de la Banque européenne de développement du Conseil de l'Europe, la mise en place de ce projet devrait commencer au plus tard à la mi-2005.
Reconstruction
Maisons
Environ 6 600 maisons ont été détruites pendant et juste après la guerre. Quelque 1 530 seront reconstruites à la fin 2005.
Les principaux donateurs internationaux pour Srebrenica sont les gouvernements allemand, néerlandais, suédois et américain. Il y a aussi un certain nombre de donateurs privés fournissant une aide au logement. Ces donateurs ont fait des contributions substantielles, assistant tout d'abord les rapatriés qui ont la possibilité de reconstruire leur maison eux-mêmes. Il y a plus de 2 600 familles actuellement enregistrées qui sont encore en attente de logement et d'une aide génératrice de revenus.
L'UNHCR a investi quelque 680 000 dollars depuis 1996, en se concentrant particulièrement sur la reconstruction des maisons, les activités génératrices de revenus et la fourniture d'aide juridique à tous ceux qui en ont besoin, mises en place par plusieurs ONG.
Le PNUD travaille à Srebrenica depuis 2002 pour aider la municipalité et les villages aux alentours. Sa principale mission dans cinq régions : le développement économique, la gestion locale, la société civile, la politique d'intégration de la femme et les infrastructures. Le but principal du programme régional de remise en état de Srebrenica est de promouvoir une amélioration socio-économique tout en renforçant les structures gouvernementales locales. Le manque d'opportunités économiques, le taux élevé de chômage, le manque de technologies modernes, la perte des marchés traditionnels de l'avant-guerre, ajoutés au fait que les travailleurs qualifiés et aptes ont fui, sont les plus importants obstacles pour remettre l'économie en route.
Pour la première fois en 2005, le PNUD a inclus l'aide au logement comme partie intégrante du programme régional de remise en état de Srebrenica, alors que demeure un manque de financement pour une reconstruction substantielle. Le programme régional de remise en état de Srebrenica nécessite 12,3 millions de dollars et prévoit encore de dépenser 11 millions de dollars jusqu'à la fin 2005 dans la grande région de Srebrenica.
En 2004, les autorités serbes ont donné 1 565 000 KM -le Mark convertible, Konvertibilna Marka (KM)- et le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a versé 750 000 KM au programme régional de remise en état de Srebrenica. En 2005, 612 000 KM pour la reconstruction de 34 maisons seront fournis par le fonds pour les rapatriés, créé sous l'égide de la Commission d'Etat pour les réfugiés et les personnes déplacées.
Infrastructures
Quelques villages de la région de Srebrenica sont éloignés d'environ 45 km de la ville par des routes en mauvais état, souvent inaccessibles pendant les mois d'hiver.
Les rapatriés insistent sur le fait que les conditions de retour sont difficiles tant que les infrastructures d'avant-guerre ne sont pas restaurées, par exemple les lignes de bus régulières pour Srebrenica. Les services publics aux habitants des régions rurales sont presque inexistants.
Dans le passé, USAID a financé des rénovations du réseau électrique de Srebrenica. Malgré un afflux important de financement chaque mois, la compagnie d'électricité n'a néanmoins pas le budget pour ajouter de nouvelles connections au réseau. Cela affecte beaucoup de zones de retours.
Le système municipal d'alimentation en eau a été réparé avec des fonds provenant du Royaume-Uni.
La réparation et la maintenance des routes principales sont prises en charge par la Banque mondiale. Le PNUD fournit une assistance à la reconstruction et répare huit routes en zone rurale. Ces projets sont co-financés avec la municipalité. Cependant, un important soutien supplémentaire à la remise en état d'infrastructures est nécessaire pour faciliter les retours.
L'accès aux services publics
L'éducation
L'éducation primaire et secondaire est dispensée dans la ville de Srebrenica. Plusieurs écoles primaires ont été réparées dans des zones de retour, mais elles dispensent seulement l'éducation jusqu'au niveau 4, obligeant les enfants plus âgés à se rendre en ville pour compléter leur éducation primaire. Dans certaines zones de retour, il n'y a pas d'école et dans ce cas les enfants, âgés de moins de 6 ans, doivent se rendre dans des écoles à Sarajevo et ne rentrent chez leurs parents que pendant les vacances scolaires.
De nouveaux papiers d'identité
De nombreux rapatriés ne sont pas enregistrés en tant qu'habitants de Srebrenica, afin de pouvoir bénéficier de ce qu'ils recevaient dans leur ancienne zone de déplacement en Bosnie-Herzégovine : allocations familiales pour personnes disparues, accès aux soins de santé, allocations sociales et pensions, priorités dans les secteurs de l'éducation, de l'emploi, du logement, etc.
Soins médicaux
Des services de santé fournis par le Dom Zdravlja sont accessibles à tous avec la visite d'un médecin de Tuzla tous les 15 jours.
Services publics
Au cours des dernières années, le Centre d'aide juridique de Srebrenica « Vasa prava » a vu diminuer le nombre de plaintes concernant le téléphone et l'approvisionnement en eau. L'UNHCR a rencontré à de nombreuses reprises les responsables de la compagnie d'électricité au niveau régional et municipal pour s'assurer que les services sont fournis sur une base juste et égale. Le développement à grande échelle d'infrastructures électriques est nécessaire.
La situation économique
La situation de très grande pauvreté à Srebrenica est l'obstacle principal pour de futurs retours. Alors que Srebrenica disposait, avant la guerre, d'une activité industrielle importante, elle est aujourd'hui totalement anéantie malgré la présence de ressources naturelles. Les rapatriés des minorités se plaignent qu'aucune minorité n'a été embauchée dans les affaires qui existent aujourd'hui, à l'exception de la nouvelle usine agro-alimentaire créée sur des fonds du gouvernement de Suède/Sida près du Mémorial de Potocari.
Les autorités du développement économique régional estiment qu'il existe un potentiel d'affaires dans les trois secteurs suivants : a) agro-alimentaire, b) filière bois ; c) tourisme. Chaque secteur aurait besoin d'un investissement substantiel en infrastructure dans le futur. L'option la plus viable pour permettre une activité économique à long terme pour les rapatriés en zone rurale est l'agro-alimentaire. Des associations locales de fermes et des coopératives sont recommandées pour obtenir les certificats d'exportation de l'Union européenne pour les produits organiques.
Des investisseurs ukrainiens ont commencé la réhabilitation et le développement de la mine de Sase en 2004. Néanmoins, aucun rapatrié ne travaille dans cette mine. L'Agence japonaise de coopération internationale a initié un projet à Skelani en 2005.