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Le long chemin du retour vers le Sud-Soudan après toute une vie en exil

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Le long chemin du retour vers le Sud-Soudan après toute une vie en exil

Malgré le manque de services de base au Sud-Soudan, des réfugiés et des déplacés internes commencent déjà à rentrer chez eux après des décennies d'exil dans les pays voisins ou à l'intérieur du Soudan. Dans la région de Jongley, 300 000 personnes devraient rentrer chez elles dans les mois à venir.
29 Novembre 2005 Egalement disponible ici :
Une famille récemment rapatriée habite temporairement à Bor, au Sud-Soudan. Son village d'origine, situé à 75 km vers le nord, ne dispose d'aucun service de base.

BOR, Soudan, 29 novembre (UNHCR) - Malak avait juste 10 ans quand il a fui la guerre dans son village natal au Sud-Soudan. Même maintenant, 19 ans plus tard, il se souvient encore vivement de la scène : « On pouvait entendre les balles siffler partout autour de nous. »

Après des années de marche dans les brumes épaisses de l'Afrique et davantage encore d'années en exil en tant que réfugié, Malak - maintenant âgé de 29 ans et père de 3 enfants - est revenu à Bor, dans la partie sud-est du Soudan, à 16 km de son village natal.

C'est en quelque sorte un vote de confiance envers « le Nouveau Soudan », comme les communautés locales l'appellent et le résultat d'un plan bien médité depuis la signature en janvier 2005, d'un Accord de paix ayant mis fin à 21 ans de guerre civile qui a déplacé quatre millions de personnes dans différentes régions du Soudan et a conduit un autre demi-million à devenir réfugiés dans les pays voisins.

« Quand l'Accord de paix a été signé le 9 janvier dernier, c'était en quelque sorte le commencement de la fin (de la guerre). Nous attendions encore de voir si la situation était assez sûre pour rentrer », dit-il. « Maintenant, ce moment est arrivé. »

Sans attendre l'aide de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, il a ramené sa famille à Bor. Des milliers d'autres réfugiés attendent le début officiel de l'opération de rapatriement volontaire de l'UNHCR depuis les pays voisins, qui devrait commencer avant fin 2005, pourvu que la situation de sécurité se stabilise au Sud-Soudan. Beaucoup d'autres personnes originaires du sud qui ont vécu dans des camps de déplacés à Khartoum voyagent pendant trois semaines ou un mois depuis la capitale soudanaise vers Bor à bord de barges fluviales.

La vie entière de Malak reflète la violence et les expériences terrifiantes qu'ont connues des millions de réfugiés à travers le monde. Malak se rappelle la fuite avec ses parents en 1986, quant les combats entre les rebelles de l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) et les forces gouvernementales soudanaises sont venues jusqu'à leur village. « Nous avons fui le village et, avec un groupe de voisins, nous avons marché vers Pochalla, à la frontière avec l'Ethiopie ; 16 000 d'entre nous, originaires des villages aux alentours de Bor, sommes arrivés à Pochalla après plusieurs jours. »

Le groupe est resté à Pochalla pendant deux mois, survivant grâce à la générosité des communautés locales, avant de se déplacer vers Panyudu, un camp de réfugiés géré par l'UNHCR en Ethiopie voisine. Cinq ans plus tard, en mai 1991, le camp a été attaqué par les rebelles après la chute du régime Mengistu en Ethiopie. « Beaucoup de réfugiés ont été tués pendant l'attaque », dit Malak. « Certains se sont jetés à l'eau pour essayer de nager jusqu'à l'autre rive pour retourner au Soudan. »

Malak est retourné à Pochalla, qui était alors sous contrôle de la SPLA. Quand l'armée soudanaise a attaqué cette ville six mois plus tard, Mais Malak et beaucoup d'autres ont fui à nouveau, cette fois-ci vers Kapoeta, à la frontière avec le Kenya. Malak a dû se déplacer plusieurs fois le long de la frontière, au fur et à mesure que, une par une, les villes sous contrôle de la SPLA étaient reprises par le gouvernement. Il est alors arrivé à Lokichoggio, dans le nord du Kenya, en 1992, mais même là, ses problèmes n'étaient pas finis, car les réfugiés étaient victimes d'attaques répétées, cette fois par les tribus locales qui leur volaient leur bétail.

Finalement, l'UNHCR a déplacé le groupe de réfugiés vers le camp de Kakuma, plus au sud du Kenya. Là Malak a grandi, a pu aller à l'école, s'est marié et a eu trois enfants.

Son récent voyage de retour depuis Kakuma a, en quelque sorte, bouclé la boucle après sa fuite en exil. Parce que les routes dans le sud du Soudan sont encore minées, Malak et sa famille ont dû faire un long détour par Kampala, la capitale ougandaise, vers Juba, la nouvelle capitale du gouvernement du Sud-Soudan. A Juba, la famille a embarqué sur un bateau à moteur et a finalement rejoint Bor après une journée de voyage sur le Nil Blanc. Le coût total de ce périple par voie terrestre et fluviale s'élève à 220 dollars par personne pour six jours de voyage - une petite fortune dans cette partie de l'Afrique.

« J'ai parcouru beaucoup de chemin depuis que j'ai quitté Bor, il y a presque vingt ans », dit Malak. « Mais maintenant je suis de retour chez moi pour reconstruire le Sud-Soudan et aider mon peuple. »

Après avoir achevé ses études secondaires dans le camp de Kakuma, Malak a reçu une formation pour une année en informatique à Nairobi et espère maintenant pouvoir transmettre ses connaissances aux enfants rapatriés.

Parce que les Soudanais accordent beaucoup d'importance à l'éducation, beaucoup de rapatriés préfèrent demeurer à Bor avant de rejoindre leur village d'origine où il n'y a aucun service de base.

« Certains, spécialement les jeunes, ne rentreront jamais dans leur village », dit Philip Thon Leek, le gouverneur de la région de Jongley où se trouve Bor. « Ils ont eu accès à des services de santé et d'éducation dans les camps (de réfugiés). Les villages ne peuvent pas leur offrir cela actuellement. Ils resteront donc en ville. »

A Bor, des enfants peuvent suivre des cours d'arabe dans la journée et d'anglais le soir. Mais les quelques écoles qui restent sont en très mauvais état, avec des murs fissurés et certaines classes se tiennent soit sous des arbres soit dans de fragiles abris de fortune où la chaleur devient intenable pendant la journée.

La population de Bor a augmenté de 15 000 personnes, dont pour la moitié des réfugiés ou des déplacés rentrés ces quatre derniers mois. A Bor et dans d'autres régions, une des principales tâches des agences internationales sera d'aider à établir certaines infrastructures de base et un minimum de services - qui n'ont jamais existés ou qui ont été détruits par la guerre.

« La population boit l'eau puisée directement dans le Nil ce qui n'est absolument pas sain, car il n'y a pas de puits en ville, et rien n'existe pour traiter l'eau », explique Claas Morland, responsable du bureau de l'UNHCR récemment ouvert à Bor. « Nous travaillons pour changer la situation et mettre en place des projets d'assainissement de l'eau très rapidement ». Des maladies, comme les diarrhées ou les parasites, sont habituelles à cause de l'usage de l'eau non traitée du fleuve.

Les soins médicaux sont aussi un autre besoin urgent. « Il y a seulement une infrastructure rudimentaire faisant fonction d'hôpital, il n'y a absolument rien dedans », dit le Dr Benjamin Malek Alier, originaire de Bor, qui est rentré pour aider il y a quelques mois, après plus de deux décennies en exil. « Pas d'eau, pas d'électricité, pas de médicaments, rien ... si nous avons une urgence chirurgicale ou besoin d'une transfusion de sang, c'est simplement impossible - nous n'avons pas cette capacité actuellement. »

Malgré les difficultés, les rapatriés comme Malak regardent le futur avec une confiance remarquable et sont prêts à reconstruire leur pays natal. « J'aurais bien sûr une meilleure vie hors du Soudan actuellement », dit Malak. « Mais j'ai pris la décision de rentrer car je suis un citoyen de ce pays. Nous sommes nés ici. C'est notre terre. »

Par Hélène Caux à Bor, au Sud-Soudan