Le voyage épuisant d'une famille depuis Kobané vers le nord de l'Iraq
Le voyage épuisant d'une famille depuis Kobané vers le nord de l'Iraq
CAMP DE RÉFUGIÉS DE QUSHTAPA, Iraq, 29 octobre (HCR) - Affamés et fatigués, Tarifa et les membres de sa famille sont arrivés par minibus dans ce camp de réfugiés au nord de l'Iraq plus de deux semaines après abandonné leur maison dans la ville syrienne de Kobané.
Plus de 190 000 Syriens de Kobané ont fui vers la Turquie voisine depuis qu'ISIS a lancé une offensive pour capturer la ville frontière en septembre dernier. Près de 14 000 d'entre eux, y compris Tarifa, âgée de 40 ans, et neuf membres de sa famille, âgés de trois mois à 60 ans, ont continué vers la région du Kurdistan iraquien. Ils y ont rejoint quelque 215 000 autres réfugiés qui étaient arrivés depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011.
Tarifa est dans l'un des 11 minibus, remplis de Kurdes syriens, qui arrivent deux heures après la tombée de la nuit au camp de réfugiés de Qushtapa dans le gouvernorat d'Erbil. Les nouveaux arrivants écoutent les instructions diffusées à l'aide d'un mégaphone. Les enfants pleurent dans les bras de leur mère.
Le personnel du Conseil danois pour les réfugiés, qui gère le camp pour le HCR, est là pour les accueillir, accompagnés d'employés du HCR en charge de la protection. Les nouveaux arrivants s'enregistrent pour recevoir des couvertures, des matelas, des oreillers, du savon, des brosses à dents, du dentifrice et des bâches en plastique. Ils sont ensuite dirigés vers une grande tente commune, où la plupart passeront la nuit.
Tarifa et les membres de sa famille entassent tout dans quatre sacs. Ils portent surtout des vêtements donnés parce qu'ils n'ont eu le temps que de prendre leurs documents d'identité et quelques effets personnels dans leur empressement à quitter Kobané. « Nous n'avons même pas eu le temps de fermer la porte à clef », dit Nawroz, belle-soeur de Tarifa. « Nous sommes épuisés, mais nous avons plus de chance que la plupart des autres gens. Toute notre famille est en sécurité ».
Le doyen de la famille, Luqman, 60 ans, a dû être porté au passage de la frontière entre la Syrie et la Turquie parce qu'il était malade. Comme beaucoup d'autres personnes qui ont choisi d'aller en Iraq plutôt que de rester en Turquie, la famille a des parents dans la région kurde du nord de l'Iraq. De plus, il y a l'attrait du travail, car Tarifa et les membres de sa famille ont le droit de travailler en Iraq.
C'est la raison pour laquelle beaucoup d'arrivants en Iraq depuis Kobané ne restent pas dans les camps de réfugiés. Ils passent souvent une nuit lorsqu'ils arrivent, puis ils repartent le lendemain pour aller habiter avec des proches ou des amis, où pour aller vivre dans une ville où il y a du travail.
Moins d'une heure après leur arrivée à Qushtapa, Tarifa et les membres de sa famille s'installent dans leur tente pour la nuit. Une moto à trois roues arrive avec deux immenses marmites remplies de riz et de ragoût à la tomate. Les membres de la famille sont assis sur des bâches en plastique et ils prennent leur deuxième repas chaud en Iraq depuis leur arrivée à la frontière ce matin. Un médecin et une infirmière entrent dans la tente et examinent Tarifa, qui se plaint de toue.
« Tout va pour le mieux », dit Whycliffe Songwa, Coordinatrice des activités du HCR sur le terrain. « Nous avons suffisamment de place pour les nouveaux arrivants mais, si leur nombre explose, nous pourrions avoir du mal à leur donner un abri. »
En plus des mouvements de populations depuis la Syrie, les conflits internes ont provoqué le déplacement d'environ 1,8 million d'Iraquiens depuis janvier. Plus de la moitié des personnes déplacées se sont rendues dans la région du Kurdistan. Reflétant ce nouvel afflux de Syrie, les plans d'urgence pour l'accueil des réfugiés comprennent l'expansion possible de deux camps de réfugiés.
Comme presque la moitié des nouveaux arrivants, Tarifa et les membres de sa famille n'ont pas prévu de rester dans un camp. « Je suis encore sous le choc », dit-elle. « Je ne suis pas capable de décider quoi que ce soit. Si Dieu le veut, nous retournerons en Syrie. » Mais avant même que minuit sonne, et que neuf autres bus arrivent de la frontière, une décision est prise. La famille rassemble ses quelques affaires, et elle quitte le camp dans un véhicule avec des proches pour trouver provisoirement refuge dans une ville située à proximité.
Par Bathoul Ahmed et Ned Colt dans le camp de réfugiés de Qushtapa en Iraq