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OPINION : Quand les réfugiés recevront-ils le vaccin contre le Covid-19 ?

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OPINION : Quand les réfugiés recevront-ils le vaccin contre le Covid-19 ?

La Jordanie et le Liban ont décidé d'inclure les réfugiés syriens dans leurs campagnes de vaccination. Si nous ne respectons pas nos engagements envers les réfugiés, nous risquons une génération perdue.
5 Février 2021 Egalement disponible ici :
Ishimagizwe Eliana, une réfugiée burundaise, se lave les mains à l'entrée de la clinique de Natukobenyo, au camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya, en octobre 2020.

Pour les personnes les plus pauvres de la planète, le Covid-19 a été synonyme de catastrophe sociale et économique. Selon la Banque mondiale, jusqu'à 115 millions de personnes sont probablement tombées dans l'extrême pauvreté en 2020. La plupart vivent dans des pays à faible ou moyen revenu, et souvent dans des régions fragiles et touchées par la guerre. Les avancées en matière de vaccins elles-mêmes sont tempérées par la question de savoir quand ceux-ci pourront être mis à la disposition des populations vulnérables du monde entier.

Ces populations vulnérables comprennent les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, déracinés par la guerre. Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, indique que leur nombre a maintenant dépassé les 80 millions, soit l'équivalent de la population de l'Allemagne. À titre d'exemple, en Jordanie, au Liban et en Irak, le Covid-19 a fait basculer dans la pauvreté un million de réfugiés syriens et 180 000 personnes déplacées internes, ainsi que plus de quatre millions de personnes dans les communautés d'accueil.

Aujourd'hui, 85% des réfugiés sont accueillis dans des pays à faible ou moyen revenu. La crise économique actuelle aggrave les conflits, la violence et l'insécurité alimentaire qui tenaillaient déjà les communautés concernées. Les structures, les systèmes de santé, d'éducation et de protection sociale de ces pays ne sont pas en mesure de faire face à un choc de cette ampleur. À moins de renforcer d'urgence l'aide humanitaire et l'aide au développement, ces pays risquent de connaître une déstabilisation profonde et durable.

Le désespoir des réfugiés est grand. Le personnel du HCR fait état d'une augmentation des cas de comportement autodestructeur, y compris des suicides, dans des pays aussi différents que l'Ouganda ou le Liban, ce qui témoigne d'une profonde détresse. Pourtant, de nombreux réfugiés sont désireux et en mesure de contribuer à la vie de leurs communautés d'accueil chaque fois que l'occasion leur en est donnée. En Jordanie, en France et au Pérou, par exemple, des réfugiés avec une expérience dans le domaine de la santé publique ou de la médecine ont rejoint les équipes de première ligne pour faire face à la pandémie.

Déjà en février dernier, avant la pandémie, la Banque mondiale estimait que, dans dix ans, jusqu'à deux tiers des personnes vivant dans l'extrême pauvreté se trouveraient dans des pays touchés par la fragilité et les conflits, où les progrès en matière de pauvreté sont en recul. Dans les situations de conflit prolongé, quatre réfugiés sur cinq vivent aujourd'hui dans leur pays d'accueil depuis cinq ans ou plus.

Depuis le début de la pandémie, le HCR et la Banque mondiale ont intensifié leurs efforts en matière de services de santé, d'eau, d'assainissement et d'hygiène afin de protéger les personnes contraintes de fuir. Nous avons collaboré avec les gouvernements des pays d'accueil pour veiller à ce que les personnes déracinées soient prises en compte dans les mesures de lutte contre la pandémie ainsi que dans le cadre des efforts de redressement économique.

Mais la crise économique implique une intensification des efforts fournis : les personnes contraintes de fuir ont plus que jamais besoin d'une aide à long terme. En 2019, plus de la moitié des sept millions de réfugiés en âge d'être scolarisés n'allaient pas à l'école. Aujourd'hui, avec les restrictions imposées par le Covid, les déficits d'apprentissage sont tels qu'ils risquent de se traduire par une génération perdue de réfugiés qui n'auront que des perspectives d'emploi limitées et peu d'espoir.

Les populations de réfugiés pour lesquelles les possibilités d'accès au marché du travail sont les meilleures se trouvent généralement dans les villes. Mais le coronavirus et la récession économique ont tous deux durement frappé les zones urbaines, fragilisant les réfugiés, et en particulier les travailleurs indépendants et du secteur informel, qui risquent de perdre leurs revenus. Les tensions sociales et économiques sont susceptibles de déboucher sur des violences, déclenchant à leur tour de nouvelles vagues de déplacement.

Les pays d'accueil ont tout intérêt à prendre en compte les réfugiés et les personnes déplacées dans le cadre des efforts de redressement et à leur garantir l'accès à la santé publique, à l'éducation et au marché du travail. Nombre d'entre eux font des efforts louables. La Jordanie, par exemple, inclut les réfugiés syriens dans sa campagne nationale de vaccination, et le Liban vient de s'engager à faire de même. Les réfugiés n'ont pas de protection sociale, et même les données sur leur statut socio-économique font souvent défaut. Leur inclusion - dans les statistiques nationales, dans les mesures d'urgence et dans le cadre du redressement à long terme - les rend visibles, et permet de comprendre l'ampleur du défi et la manière dont nous pouvons les aider.

On ne saurait confier aux seuls pays d'accueil la responsabilité de prendre en charge les réfugiés. En décembre 2018, les membres de la communauté internationale ont adopté le Pacte mondial sur les réfugiés, qui engage les donateurs et les institutions multilatérales à assumer cette responsabilité partagée en tant que bien public mondial. Nous devons respecter cet engagement envers les réfugiés et les communautés d'accueil, dans l'esprit et dans les faits.

Cette tribune a été publiée initialement par la Fondation Thomson Reuters.