Questions/Réponses : L'auteur du roman « Les Cerfs-volants de Kaboul » veut aider les réfugiés
Questions/Réponses : L'auteur du roman « Les Cerfs-volants de Kaboul » veut aider les réfugiés
WASHINGTON, D.C., Etats-Unis, 16 février (UNHCR) - L'année dernière, Khaled Hosseini a été nommé Envoyé de bonne volonté auprès du bureau de l'UNHCR aux Etats-Unis. Le premier roman de cet ancien réfugié afghan, « Les Cerfs-volants de Kaboul », est un best-seller international. Il a été récemment interviewé par Tim Irwin, chargé des relations avec la presse au bureau de l'UNHCR aux Etats-Unis. Voici quelques extraits de l'interview :
Comment vous et votre famille avez-vous quitté l'Afghanistan pour venir aux Etats-Unis ?
Ma famille a quitté Kaboul en 1976, car mon père était diplomate et il avait été nommé à l'Ambassade afghane à Paris. Pendant que nous étions à Paris, les Soviétiques ont envahi l'Afghanistan [en décembre 1979] et ma famille a demandé l'asile politique aux Etats-Unis, que nous avons obtenu en 1980. Cette année-là, pendant que la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan s'aggravait, ma famille a déménagé de Paris à San José [en Californie], où nous vivons depuis lors.
Quel genre de difficultés avez-vous connu au début de votre vie aux Etats-Unis ?
Les difficultés venaient du fait que mes parents avaient un bon niveau d'éducation et une profession, mais se retrouvaient sans emploi. Ma mère était directrice adjointe d'un collège et mon père diplomate. Au début, pour eux l'adaptation a été difficile ; arriver aux Etats-Unis et être sans travail, dépendant des allocations, avec cinq enfants. Il y avait sûrement des problèmes financiers par moment, mais aussi des difficultés d'identité et d'image.
A l'époque il n'y avait pas beaucoup d'Afghans dans cette région, même si la communauté a commencé à grandir aux alentours des années 80, donc je pense aussi qu'ils devaient se sentir seuls. De nombreux amis et des membres de la famille étaient restés en Afghanistan, mais je trouve qu'ils se sont plutôt bien adaptés. Ils ont commencé à travailler presque tout de suite et nous ont inscris à l'école ; pour eux, ce sont les premières deux ou trois années qui ont dû être assez dures.
Pensez-vous que le roman « Les Cerfs-volants de Kaboul » ait attiré davantage l'attention sur les réfugiés afghans ?
Je l'espère. Le livre a certainement attiré l'attention sur la situation en Afghanistan dans son ensemble. Je reçois souvent des courriers électroniques de lecteurs me disant qu'après avoir lu le roman, ils ont une notion bien plus précise et réelle de l'Afghanistan, et une relation plus personnelle avec le pays et ses habitants.
Etes-vous retourné en Afghanistan récemment et, si oui, quelles sont vos impressions ?
Je suis allé en Afghanistan en mars 2003, quelques mois avant la publication du livre. J'étais parti 27 ans auparavant, donc la ville que je retrouvais avait énormément changé. Ne serait-ce que du point de vue des infrastructures, tout avait été démoli. Une grande partie de Kaboul avait été détruite, ou du moins la ville n'avait pas été entretenue. J'ai vu beaucoup de choses que j'avais décrites dans mon livre : des veuves et des orphelins, des blessés de guerre, des vétérans de la guerre, des estropiés et des gens errant dans les rues.
Il y avait aussi une forte présence de militaires armés, ce dont je ne me souvenais pas dans les années 1970. La ville était bien plus surpeuplée et polluée que ce dont je me rappelais. En 2003, la ville dégageait encore un certain optimisme, les gens s'occupaient de nombreux projets. Mais je n'y suis pas retourné depuis 2003, donc j'ignore si cela a changé.
Comment êtes-vous devenu un Envoyé de bonne volonté pour l'UNHCR ?
En juin 2006, l'UNHCR m'a décerné un prix humanitaire qui m'a beaucoup honoré. Je me suis rendu à Washington, DC à l'occasion de la Journée mondiale du réfugié [célébrée le 20 juin], où j'ai prononcé un discours. Peu de temps après, l'UNHCR m'a contacté pour me demander si j'étais intéressé pour devenir Envoyé de bonne volonté pour l'agence et pour commencer une relation de travail. Sous plusieurs aspects, c'était pour moi l'opportunité idéale de faire quelque chose à laquelle je pensais depuis longtemps.
Etant originaire de l'Afghanistan, un pays qui compte l'une des plus importantes populations de réfugiés au monde, ce problème était à la fois pertinent et très proche de mon coeur. Je sentais également que je pouvais dans un certains sens apporter une contribution à ce problème. Donc, lorsque l'UNHCR m'a contacté pour travailler avec l'agence et sensibiliser l'opinion publique aux problèmes des réfugiés, qu'ils soient Afghans ou originaires du Darfour ou de tout autre pays, j'étais enthousiaste et j'ai trouvé que c'était pour moi une manière formidable d'accomplir un travail humanitaire.
Récemment, vous avez rendu visite à des réfugiés à l'est du Tchad. Quelles ont été vos impressions ?
On a beau lire des articles sur la tragédie du Darfour, voir des reportages à la télévision, mais serrer vraiment les mains et parler aux gens personnellement touchés par les atrocités au Darfour est une expérience totalement différente. Lorsque j'étais dans l'est du Tchad, j'ai rencontré des réfugiés et écouté leurs histoires. Apprendre ce qui est arrivé à ces gens au Darfour, ce qu'ils ont dû endurer est vraiment accablant. L'ampleur réelle du désastre au Darfour m'a touché d'une manière très personnelle, de retour chez moi, après avoir rencontré ces gens, avoir passé du temps à leur parler.
Je me suis également rendu compte que le personnel humanitaire, y compris les employés de l'UNHCR, qui travaille dans l'est du Tchad, pour aider les réfugiés du Darfour, le fait dans des conditions hostiles. La situation dans cette région est bien plus tendue que je ne le pensais. Elle est très instable à cause des combats incessants entre les groupes rebelles et les troupes du gouvernement. Je suis resté sur place seulement une semaine, et j'admire énormément le personnel humanitaire qui travaille quotidiennement sur le terrain, qui vit au milieu de cet environnement.
Voilà mes deux impressions principales. Je suis toutefois revenu de cette mission aussi avec le sentiment de mieux comprendre la complexité de ces conflits, qui sont profondément enracinés dans les identités ethniques. Le conflit évolue sans arrêt et il est très difficile de suivre la trace des différentes parties.
Qu'avez-vous pensé des équipes médicales que vous avez vues travailler au Tchad ?
En tant que médecin, je peux imaginer dans quelles difficultés travaillent ces médecins. Ils prennent soin des gens dans des conditions extrêmes. Ils ne disposent que de ressources très limitées en termes d'outils de diagnostic et de laboratoire. Ils sont confrontés à une population très vaste, exposée à toutes sortes de maladies. J'ai été très, très impressionné par les compétences des médecins que j'ai vus et par leur habilité à gérer ces populations.
De plus, ils se trouvent dans une situation difficile sur le terrain, dans le sens qu'ils ne prennent pas seulement soin des réfugiés et des communautés locales tchadiennes, mais ils ont souvent affaire à des rebelles blessés, des soldats tchadiens et des bandits. Ils doivent les soigner, la question ne se pose pas. Je me suis demandé plusieurs fois si je serais capable de travailler dans ces conditions, j'éprouve sincèrement beaucoup d'admiration pour eux.
Quel est votre prochain engagement pour l'UNHCR ?
L'agence m'a demandé de faire des apparitions publiques en faveur de la cause des réfugiés et de plaidoyer pour eux dans le monde entier. Je serai honoré d'essayer d'attirer l'attention du public et d'utiliser ma notoriété pour faire parler les victimes des crises humanitaires.