De la Syrie à Vaduz: le Liechtenstein, nouvelle patrie pour deux jeunes filles kurdes
De la Syrie à Vaduz: le Liechtenstein, nouvelle patrie pour deux jeunes filles kurdes
Jwana et Rozana n’auraient jamais cru se sentir chez elles ici un jour. Lorsque les deux sœurs, originaires de Syrie, apprennent qu’elles vont bientôt vivre au Liechtenstein, elles croient tout d’abord mettre le cap sur un pays proche de la Chine – à cause de la consonance du mot «Liechtenstein», qui leur semblait fort asiatique. Lorsqu’elles arrivent dans la petite Principauté, à l’été 2015, elles découvrent non seulement la tranquillité des lieux – le Liechtenstein compte environ 38'000 habitants – mais aussi l’incontournable présence des sommets alpins alentours, avec lesquels Jwana n’était pas très à l’aise au départ: «Les montagnes sont si proches ici. J’avais le sentiment qu’elles pouvaient m’écraser à tout moment. Elles me paraissaient très menaçantes, surtout la nuit», raconte-t-elle avec malice. «Mais je n’ai plus peur aujourd’hui.»
Jwana, 19 ans, et Rozana, 17 ans, ont fui la Syrie avec leur mère et leur sœur aînée – qui vit aujourd’hui en Allemagne. Originaires d’Amude, ville à majorité kurde du Nord de la Syrie, elles se décident à fuir en Turquie peu après le bombardement de leur maison. Leurs deux sœurs plus âgées se trouvaient alors déjà en Suède – l’une ayant épousé un Suédois d’origine kurde; l’autre grâce à un visa académique. Leur père était quant à lui décédé, en raison d’une maladie, dix ans plus tôt.
En tant que femmes seules d’origine kurde, la famille entre dans la catégorie des réfugiés ayant un besoin de protection particulier, et voit par conséquent son dossier pris en considération pour le programme de réinstallation du HCR. Grâce à ce programme, certains réfugiés particulièrement vulnérables peuvent être transférés de manière légale et sûre d’un pays de premier accueil vers un autre Etat, où ils pourront s’établir de manière durable avec l’accord de ce dernier. Le Liechtenstein a par exemple accueilli six familles originaires de Syrie dans le cadre d’un tel programme.
«Lorsqu'on a reçu ce coup de fil, on a appris que notre vol partirait dans deux jours. Tout s’est fait dans la précipitation mais nous étions si heureuses; portées par la perspective de reconstruire notre vie en Europe.»
Jwana et Rozana évoquent leur soulagement lorsqu’elles apprennent que leur dossier a été accepté par le programme de réinstallation au Liechtenstein.
Les deux années passées en Turquie – avant que la famille n’apprenne où elle sera réinstallée – restent gravées dans leurs esprits comme une période pleine d’incertitudes: «Nous avons dû déménager plusieurs fois. Nous n’allions pas à l’école, et attendions de savoir ce qu’il allait advenir de nous», se souvient Rozana. Le téléphone portable familial est, à cette époque, leur bien le plus précieux: elles ne le quittent jamais des yeux, ne voulant sous aucun prétexte manquer l’appel du HCR qui leur donnera le signal de départ. «Lorsqu'on a reçu ce coup de fil, on a appris que notre vol partirait dans deux jours. Tout s’est fait dans la précipitation mais nous étions si heureuses; portées par la perspective de reconstruire notre vie en Europe – même sans vraiment savoir ce qui nous attendait au Liechtenstein.»
À l’arrivée, la première priorité de Rozana et Jwana est de retourner à l’école au plus vite. Elles suivent un cours de langue intensif pendant neuf mois, et regardent sans relâche des vidéos YouTube en allemand, avec des sous-titres en arabe, durant leur temps libre. Malgré ces efforts, les premières semaines d’école – Rozana entre en troisième année secondaire, et Jwana en dixième et dernière année à Vaduz – seront difficiles: «Nous ne comprenions presque rien de ce que disaient nos camarades comme ils parlaient suisse-allemand entre eux», racontent-elles. S’y ajoute l'impression initiale qu’on ne les prenait pas vraiment au sérieux: «La plupart de nos camarades imaginaient la Syrie comme un petit village sans réel système d’éducation. Là-bas, j’allais pourtant au gymnase et le niveau d’enseignement était le même qu’au Liechtenstein. J’ai pu tordre le cou à ces préjugés lors d’un exposé sur mon pays», raconte Jwana.
Les deux jeunes filles parviennent finalement à conquérir leurs camarades grâce à leur caractère ouvert et sociable. Rozana, très sportive, aime plus que tout danser et faire de l’escalade. Elle a ainsi rapidement trouvé un job d’étudiante au Parc Aventure de Triesen. Jwana s’est quant à elle fait sa place par le biais de diverses initiatives scolaires, notamment en s’engageant pour un projet humanitaire au Kenya. Pendant son temps libre, elle aime surtout faire du shopping avec ses amies. Après avoir terminé l’école, l’an dernier, elle a aussi commencé un apprentissage d’assistante dentaire, pour lequel elle se rend désormais une fois par semaine à l’école professionnelle de Coire. Elle est très fière d’avoir trouvé cette place d’apprentissage par ses propres moyens, sans aide officielle: «Mon rêve serait de continuer à étudier la médecine dentaire à la fin de mon apprentissage.» Rozana a elle aussi de belles ambitions en tête: le 1er août, elle commencera une formation d’assistante en pharmacie.
«La sécurité qui règne au Liechtenstein, et le fait que l’on puisse atteindre nos buts ici, à condition de faire preuve de zèle et de discipline, ont beaucoup facilité notre intégration.»
Bien intégrées, Jwana et Rozana ont de belles ambitions en tête pour leur avenir au Liechtenstein.
Les deux jeunes filles imaginent bien leur avenir au Liechtenstein. Elles n’ont plus de véritables liens avec la Syrie, puisque leurs amis et leurs proches ont pour la plupart abandonné le pays. «C’est dingue, mais on a parfois presque l’impression d’avoir grandi ici. La sécurité qui règne au Liechtenstein, et le fait qu’on puisse y atteindre nos buts à condition de faire preuve de zèle et de discipline, ont beaucoup facilité notre intégration», résument-elles.
Leur langue maternelle, le kurde, s’est depuis teintée de mots d’allemand et de dialecte. Leurs connaissances en arabe – langue qu’elles avaient apprise à l’école en Syrie – en ont toutefois souffert, s’effaçant peu à peu au profit de la langue de Goethe: «À la clinique, nous recevons parfois des patients arabophones. Mon chef me demande alors de servir d’interprète, mais comme je n’ai pratiquement plus l’occasion de pratiquer l’arabe, je dois souvent me préparer à l’avance… et rechercher les mots les plus techniques dans le dictionnaire», conclut Jwana – avec toute l’énergie et le sens de l’autodérision qui la caractérisent, ainsi que sa sœur. Des qualités qui les destinent à un bel avenir dans la petite Principauté.
Pour plus d’informations, consultez notre page web au sujet de la réinstallation.