Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Anastasiia : « L’Ukraine me manque terriblement, mais j’ai décidé de ne pas mettre ma vie en suspens. »

Articles et reportages

Anastasiia : « L’Ukraine me manque terriblement, mais j’ai décidé de ne pas mettre ma vie en suspens. »

27 Juin 2025
Anastasiia (à gauche) avec sa sœur Tania et leur chat Kotya, dans leur maison à Paris, France.

Anastasiia (à gauche) avec sa sœur Tania et leur chat Kotya, dans leur maison à Paris, France.

Anastasiia a fui l’Ukraine en 2022, dès le début de la guerre, avec sa sœur adorée Tania et leur chat Kotya. Le trio est parvenu à rejoindre Paris, où elles ont d’abord été hébergées par différentes familles françaises. Malgré la nostalgie pour son pays natal, Anastasiia, aujourd'hui âgée de 41 ans, s’efforce de reconstruire sa vie en France et de se concentrer sur son avenir.

« Je n’aurais jamais imaginé que, trois ans après avoir fui la guerre en Ukraine, je vivrais à Paris, travaillerais et étudierais… en français ! J’ai quitté Kiev avec ma petite sœur Tania le 5 mars 2022, alors que le conflit prenait de l'ampleur. Une ville proche de Kiev a été fortement touchée par des bombardements. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il s’agissait d’une véritable guerre, qui durerait bien plus longtemps que les deux ou trois semaines dont on nous avait parlé. Nous étions sous le choc. Je ne savais pas si nous allions réussir à rester en sécurité. Il faisait très froid. Et nous n’étions pas préparées à une guerre aussi longue. »

Ma soeur Tania et moi travaillions toutes les deux dans la capitale, tandis que nos parents étaient bloqués dans l’est du pays, d’où nous sommes originaires. J’ai eu beaucoup de chance : la banque pour laquelle je travaillais à Kiev a organisé l’évacuation de son personnel par bus jusqu’à la gare. C’est ce qui nous a permis de partir vers l’ouest, dans une zone plus sûre.

Tellement de personnes tentaient de quitter le pays. Il y avait surtout des femmes avec des enfants, des personnes âgées… Tout le monde était stressé, choqué. Le train était bien sûr complètement bondé. Nous nous sommes relayés pour nous asseoir, avons partagé des sandwichs. C’était une épreuve difficile, mais aussi très touchante. Tout le monde se soutenait. Tout ce qui comptait auparavant dans nos vies nous semblait soudain moins important comparé à ces moments uniques de solidarité…

Le train nous a conduites à Lviv, près de la frontière polonaise, puis à Przemyśl, en Pologne, où nous avons passé deux jours dans un centre d’accueil pour réfugiés. Peu après, j'ai trouvé un bus organisé par la Croix-Rouge et une compagnie d'assurance en solidarité avec les Ukrainiens qui nous a conduites de Cracovie à Paris.

Avant la guerre, nous avions déjà rendu visite plusieurs fois à mon amie Marina et à sa famille en France. Dès les premiers jours du conflit, elle nous a contactées et nous a proposé de nous héberger chez elle en France, même temporairement, afin que nous soyons en sécurité jusqu'à ce qu’il soit possible de rentrer (en Ukraine). Nous avons été très touchées par son geste — encore un exemple fort de solidarité humaine.

Nous ne parlions pas un mot de français à notre arrivée, mais nous nous sommes inscrites dans une association pour apprendre la langue. Parallèlement, comme nous parlions bien anglais toutes les deux, nous avons commencé à aider les Ukrainiens nouvellement arrivés : nous les aidions à traduire, les encouragions et partagions les informations que nous avions pu recueillir. Ce n’est pas évident de s’adapter à un nouveau pays, une nouvelle langue, une nouvelle culture, surtout quand on est constamment inquiet pour ceux qu’on a laissés derrière soi.

Cela fait maintenant trois ans que nous sommes en France… et nous avons déjà déménagé neuf fois ! Je me souviens encore de notre arrivée avec seulement deux petites valises et notre chat . Nous ne pouvions emporter que l'essentiel !

Kotya, le chat d'Anastasiia, vit avec elle à Paris

Kotya, le chat d'Anastasiia, vit avec elle à Paris

Aujourd’hui, je travaille pour une compagnie d’assurance à Paris comme chargée de mission en développement durable. Je termine également un master dans ce domaine, avec un volet gestion de projet. Je pense m’adapter plutôt bien à ma nouvelle vie en France, même si ce n’est pas toujours facile. Au fil du temps, j'ai développé un véritable amour pour la langue et la culture françaises. J'essaie de regarder des films français, d'écouter de la musique, de visiter des musées et de lire autant que possible pour mieux m'intégrer et combler le fossé culturel. J'essaie de me concentrer sur l'avenir.

L’Ukraine me manque beaucoup, mais j’ai décidé de ne pas mettre ma vie entre parenthèses, j’ai choisi de la reconstruire ici, en France.

J'ai l'intention de continuer à apprendre la langue et la culture, tout en apportant mon aide aux personnes dans le besoin. Je suis membre d'un comité consultatif du HCR sur l'inclusion socio-économique et je m'efforce de contribuer à des projets favorisant l'intégration des réfugiés sur le marché du travail. Il est important pour moi d'apporter une contribution significative dans le monde. Je suis convaincue qu'un jour, les dirigeants politiques prendront conscience que rien n'est plus dévastateur que la guerre : ses conséquences pèsent lourdement sur la société et la planète. Il faut y mettre un terme sans délai. Cela peut paraître utopique, mais l'idée de partager la paix, de la transmettre d'une âme à une autre, m'inspire.

À propos du chat d'Anastasiia, qu'elle a ramené d'Ukraine :

“Kotya fait partie de la famille. Nous l'avons trouvée à Kiev en 2021. Elle était toute petite, elle avait été abandonnée, alors avec ma soeur, nous nous en sommes occupées. Quand la guerre a éclaté, il n'était pas question de l'abandonner. Nous l'avons emmenée avec nous. Je me concentre sur l'avenir, j'essaie de continuer à vivre, et mon chat m'aide beaucoup, car elle a aussi quitté son foyer, mais elle en a trouvé un autre. Elle a déjà déménagé une dizaine de fois, elle est donc habituée aux déménagements, comme nous !”

Anastasiia a été interviewée par Hélène Caux, HCR France.