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Les attaques incessantes en République centrafricaine alimentent le flot de réfugiés vers le Tchad

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Les attaques incessantes en République centrafricaine alimentent le flot de réfugiés vers le Tchad

Le nombre de réfugiés fuyant les violentes attaques perpétrées dans la région nord de la République centrafricaine en proie à l'anarchie augmente sans discontinuer. Chaque jour, plus de 200 Centrafricains traversent la frontière en direction du sud tchadien. Les réfugiés font le récit poignant des attaques menées par les forces gouvernementales, les groupes rebelles et des bandits. D'après leurs témoignages, beaucoup d'autres personnes se cacheraient dans la brousse en République centrafricaine, trop effrayées pour rentrer chez elles.
21 Février 2006
L'UNHCR et les autorités tchadiennes enregistrent les réfugiés arrivés de République centrafricaine avant de les transférer dans un camp situé à proximité, dans le sud du Tchad.

BEKONINGA, Tchad, 21 février (UNHCR) - Le nombre de réfugiés fuyant les violentes attaques perpétrées dans la région nord de la République centrafricaine (RC) en proie à l'anarchie augmente sans discontinuer. Chaque jour, plus de 200 Centrafricains traversent la frontière en direction du sud tchadien. Depuis le début du mois, plus de 4 000 réfugiés sont ainsi arrivés et d'autres seraient actuellement en route vers la frontière.

« Beaucoup de réfugiés racontent avoir fui les attaques perpétrées par les forces gouvernementales contre les civils, soupçonnés par les soldats de la RC de soutenir les divers groupes rebelles. Les réfugiés ont aussi fait état de raids par des groupes rebelles qui attaquent les villages pour voler de la nourriture et du bétail et enrôler de force de jeunes hommes », a déclaré aux journalistes Jennifer Pagonis, porte-parole de l'UNHCR, lors d'une conférence de presse mardi à Genève. Les réfugiés ont aussi expliqué avoir subi des attaques de la part de bandits, aussi appelés coupeurs de route.

« Des réfugiés ont raconté à l'UNHCR avoir été victimes de ces trois groupes à la fois - forces rebelles, soldats gouvernementaux et bandits », a ajouté Jennifer Pagonis.

L'UNHCR n'est pas en mesure de vérifier ces dires, l'agence n'étant pas présente dans le nord de la RC pour des raisons de sécurité. Toutefois, l'UNHCR prend au sérieux ces rapports, étant donné les témoignages concordants fournis par nombre de réfugiés.

Les réfugiés font le récit poignant des épreuves qu'eux et leurs proches restés au pays ont eu à endurer.

« Nous sommes les plus chanceux, ceux qui peuvent vous parler et vous raconter notre histoire », déclare Martin, un homme âgé de 55 ans qui vient juste d'arriver de RC, en s'adressant à un membre de l'équipe de l'UNHCR au sud du Tchad. « Les autres se terrent dans la brousse, dormant sous les arbres comme des animaux. Ils se sont dispersés un peu partout. C'est très triste », dit-il sobrement, assis près de l'hôpital pour faire soigner une plaie profonde au pied qui s'est infectée.

Martin raconte que lors de l'attaque le 11 février dernier contre Begora, son village du nord de la RC, huit hommes, tous des civils, ont été abattus.

« Nous étions encore assis sous les arbres lorsque les camions de l'armée sont arrivés, remplis d'hommes lourdement armés, des grenades attachées à leurs ceintures », se souvient-il, encore sous le choc. « Très vite, ils ont encerclé le village et ont ouvert le feu. Ils ont tiré au hasard sur les civils. Nous étions complètement terrifiés. »

Martin s'est enfui dans la brousse, après s'être ouvert le pied sur une branche morte et avoir perdu le contact avec sa femme et ses deux filles. Depuis il n'a aucune nouvelle d'elles et craint pour leur vie. Une fois l'attaque terminée, son fils âgé de 32 ans l'a retrouvé et ils ont marché ensemble pendant huit heures vers la frontière tchadienne. Une fois arrivés en sécurité au sud du Tchad, Martin a été rapidement transporté à l'hôpital.

« La communauté internationale doit se pencher sans tarder sur la situation en République centrafricaine, avant qu'il ne soit trop tard », a indiqué Ana Liria-Franch, déléguée de l'UNHCR au Tchad. « Les abus contre les civils ne sont visiblement pas le fait d'un seul groupe ; les groupes rebelles, les bandits et les forces gouvernementales sont tous cités par les réfugiés. Tout porte à croire qu'ils terrorisent effectivement ces populations livrées à elles-mêmes. »

Ana Liria-Franch a demandé la restauration des droits humains dans le nord de la République centrafricaine, ajoutant que chacun a le droit de vivre chez lui, en paix et en sécurité, sans avoir à fuir.

L'UNHCR craint néanmoins que le flux des réfugiés ne continue. De nombreux civils se cachent toujours dans la brousse au nord de la République centrafricaine ; ils ont trop peur de rentrer chez eux. La question est de savoir combien de temps ils pourront encore tenir sans venir chercher de l'aide de l'autre côté de la frontière.

« Je rentrais du travail et marchais le long de la route en direction de mon village, Biyokonbo, lorsque trois véhicules militaires sont passés et m'ont tiré dessus », raconte Jean, arrivé récemment. « J'ai été blessé au coude et ils m'ont simplement abandonné sur la route. J'ai couru dans la brousse et j'y ai passé la nuit. Ma famille est partie à ma recherche et nous nous sommes tous enfuis vers la frontière. »

Jean a marché vers le Tchad avec sa femme et leurs sept enfants. La famille est catégorique, elle ne retournera pas en République centrafricaine aussi longtemps que d'autres attaques seront à craindre.

La plupart des réfugiés traversent la frontière et s'arrêtent à 500 mètres à l'intérieur du territoire tchadien, dans le village de Békoninga qui compte 600 habitants. Au début, ils doivent survivre avec la nourriture qu'ils ont apportée et grâce aux dons généreux des villageois sur place, population qui n'a pourtant presque rien à partager. L'eau potable est un problème majeur car il y a un seul puits dans le village. Quelques réfugiés n'ont pas d'autre choix que de boire l'eau d'une mare voisine.

Les réfugiés ont hâte, on le comprend, de s'éloigner de la frontière pour s'installer dans un camp. Mercredi, l'UNHCR transférera 300 personnes parmi les nouveaux arrivants vers le camp de réfugiés de Gondjé. Le transfert d'autres personnes est prévu dans les jours prochains. Pour accélérer la procédure d'enregistrement et aider à l'identification des réfugiés les plus vulnérables, l'UNHCR a déployé du personnel supplémentaire venu de ses bureaux sur le terrain au sud et à l'est du Tchad.

L'UNHCR et les autorités tchadiennes discutent de la possibilité d'ouvrir un troisième site de réfugiés près de Goré, tenant compte de nouvelles arrivées de réfugiés depuis la République centrafricaine. Quelque 45 000 réfugiés originaires de la République centrafricaine sont actuellement accueillis dans trois camps dans le sud. Le camp de réfugiés de Gondjé, situé à 12 kilomètres de Goré, a été ouvert en décembre 2005 pour résoudre le problème de surpopulation du camp voisin d'Amboko.

Le Tchad accueille également plus de 200 000 réfugiés soudanais originaires de la région du Darfour dans 12 camps à l'est du pays.

Par Ginette Le Breton à Békoninga