Les femmes syriennes déracinées jouent un rôle crucial dans la reconstruction du pays
Les femmes syriennes déracinées jouent un rôle crucial dans la reconstruction du pays
Rawa'a, 18 ans, originaire de Daraa, vient d'obtenir son diplôme d'études secondaires dans le camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie. Elle y vit avec sa famille depuis 2013.
Les 14 dernières années m'ont marquée à jamais. Je me souviens très bien du jour où les cris de liberté ont résonné à Homs, ma ville. Je n'avais que 17 ans et un mélange d'enthousiasme et de peur m'accompagnait en permanence. Ma famille et moi avons été déplacés de force plus de six fois. Notre maison a été bombardée, nous avons perdu des êtres chers et nous avons frôlé la mort un nombre incalculable de fois. Parfois, je me demande encore pourquoi je suis en vie.
En 2018, j'ai bénéficié d'une bourse pour poursuivre mes études de master au Royaume-Uni, et j'ai quitté ma maison, ma famille, ma communauté et la vie que je connaissais. Une fois diplômée, la situation sécuritaire en Syrie restait très instable et je n'ai eu d'autre choix que de demander l'asile. Je suis devenue une réfugiée, statut qui s'accompagne à la fois d'épreuves immenses et d'une grande force.
Je sais que mon histoire n'est pas unique. Elle fait écho aux expériences de millions de femmes syriennes, déplacées à l'intérieur et à l'extérieur du pays, dont beaucoup sont profondément traumatisées, et pourtant persévérantes. À l'heure où nous envisageons l'avenir de la Syrie, une chose est claire : nous, les femmes syriennes, devons être en première ligne du processus de reconstruction pour donner vie à la Syrie libre et démocratique dont nous avons rêvé et pour laquelle nous nous sommes battues au cours de ces 14 dernières années.
La dure réalité du déplacement
Les statistiques dressent un tableau saisissant des défis auxquels nous sommes confrontés. Selon le HCR, des millions de Syriens sont toujours déplacés à l'intérieur du pays, sans avoir de maison où retourner et ne disposant que de ressources très limitées. Même si le paysage politique a changé, les besoins humanitaires persistent et plus de 90 % des Syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté, dans des conditions désastreuses. On signale de nombreux problèmes de sécurité, tels que des vols, des enlèvements, des crimes de vengeance et des violences sexuelles, dont les femmes sont souvent les victimes. En outre, les bombardements et l'occupation par Israël dans le sud-ouest du pays provoquent de nouveaux déplacements et font peser de nouvelles menaces, notamment sur les femmes et les filles, et mettent en péril la paix fragile en Syrie.
Une récente enquête du HCR sur les réfugiés syriens vivant dans la région a révélé que 27 % d'entre eux ont l'intention de retourner dans leur pays dans les 12 prochains mois, mais la majorité hésite encore, invoquant des préoccupations en matière de sécurité, ainsi que le manque de logements et d'emplois.
Ce ne sont pas que des chiffres. Ce sont des vies bouleversées, des avenirs incertains et un traumatisme collectif qui mettra des générations à cicatriser. Pourtant, derrière ces chiffres se cachent aussi des récits de résilience, de femmes syriennes qui ont fait preuve d'une force extraordinaire face à une adversité inimaginable.
J'ai été témoin du pouvoir de femmes syriennes révolutionnaires telles que May Scaff, Lama Al-Basha, Razan Zeitouneh, Fadwa Suleiman et bien d'autres qui ont été détenues, torturées et ont disparu pour avoir dénoncé le régime d'Assad. Ces femmes ont courageusement défié la dictature, sacrifiant leur vie pour une Syrie libre et démocratique pour tous les Syriens, indépendamment de leur religion, de leurs origines, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique.
Soutenir les femmes et investir en elles
J'ai consacré ma vie d'adulte à défendre la Syrie, ses femmes et ses réfugiés. J'ai vu d'innombrables autres femmes syriennes faire de même en exil, travaillant sans relâche pour faire libérer des détenus et mener des changements politiques et sociaux dans leur pays d'accueil.
Ce travail a contribué à briser les stéréotypes sur les femmes réfugiées. Nous avons souvent été perçues comme des victimes ou des fardeaux, mais nous avons prouvé que même dans les circonstances les plus difficiles, nous sommes talentueuses et pleines de ressources. Nous voulons contribuer au développement des sociétés dans lesquelles nous vivons et des pays d'origine dans lesquels nous espérons retourner. Il nous faut juste l'opportunité de montrer ce que nous avons à offrir.
Nous sommes des meneuses, des décideuses, et nous possédons les connaissances et l'expérience nécessaires pour trouver des solutions aux problèmes qui affectent nos vies. Nous devons être incluses de manière significative à tous les niveaux de prise de décision, des initiatives locales aux négociations internationales, à la fois dans nos pays d'accueil et dans nos pays d'origine.
La communauté internationale a un rôle crucial à jouer dans le soutien aux femmes syriennes. Elle peut le faire de la manière suivante :
- Reconnaître le droit des femmes réfugiées à prendre des décisions éclairées concernant leur retour. Aucune femme, quels que soient sa religion, son origine ethnique ou son orientation sexuelle, ne devrait être contrainte de retourner en Syrie tant qu'elle ne se sent pas en parfaite sécurité pour le faire.
- Veiller à ce que l'aide étrangère comprenne des fonds destinés à l'autonomisation des femmes syriennes et à leur inclusion dans des rôles de leadership politique, économique et civil.
- Investir dans des programmes qui répondent aux besoins des femmes, y compris en matière de soutien à la santé mentale, pour les aider à surmonter les pertes et les traumatismes qu'elles ont subis. Le soutien en santé mentale que j'ai reçu en exil m'a sauvé la vie et m'a permis de contribuer au développement de mon pays d'accueil. Une attention particulière doit être accordée au soutien des femmes qui viennent d'être libérées de détention et de celles qui doivent faire face à la disparition de leurs proches.
- S'engager auprès des femmes syriennes de la diaspora qui ont des compétences et une expérience précieuses à partager. Des plateformes devraient être créées pour les mettre en relation avec des femmes en Syrie qui peuvent bénéficier de leur mentorat, de leur collecte de fonds et de leur plaidoyer.
- Continuer à soutenir l'aide pour faire face aux crises humanitaires en cours, tant à l'intérieur de la Syrie que dans les pays d'accueil.
- Continue support for aid to address the ongoing humanitarian crises, both inside Syria and in host countries.
Alors que nous commémorons la Journée internationale des femmes, je tiens à féliciter toutes les femmes réfugiées et toutes les femmes qui luttent pour leur liberté et leurs droits. Je tiens à rendre hommage à toutes les femmes syriennes : les détenues, les disparues, les militantes politiques, les manifestantes, les mères, les filles, les sœurs et les épouses qui ont sacrifié leur vie pour prendre soin de leur famille. La Syrie ne serait pas libérée de la dictature sans votre sacrifice, votre courage et votre force.
La transition en Syrie offre une occasion unique de construire une société plus juste et plus équitable, une société où les femmes ont les moyens de réaliser leur plein potentiel. Mais cela nécessitera un effort concerté de la part de la communauté internationale, des gouvernements, des donateurs, du secteur privé et de la société civile pour nous soutenir, nous les femmes syriennes, les expertes et les leaders de la société civile, afin de construire la Syrie que nous imaginons.
Nous, les femmes syriennes, à l'intérieur et à l'extérieur de la Syrie, SOMMES la force motrice et les actrices du changement dont la Syrie de demain a besoin. Nous demandons à nos alliés internationaux de s'engager à nous soutenir dans nos efforts pour reconstruire nos vies, notre société et notre pays. L'avenir de la Syrie dépend de nous.
Cet article a été rédigé pour le HCR par Nour Jarrouj, militante des droits des réfugiés syriens et conseillère en inclusion stratégique et changement organisationnel, qui travaille dans les secteurs de l'aide humanitaire et des réfugiés depuis plus de 11 ans. Elle est titulaire d'une licence en économie de l'université de Damas et d'un master en conflits et développement de l'université SOAS de Londres.
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