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Les personnes déplacées par le groupe Boko Haram au Nigeria luttent contre la faim suite à des inondations dévastatrices

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Les personnes déplacées par le groupe Boko Haram au Nigeria luttent contre la faim suite à des inondations dévastatrices

Les récentes inondations dans le nord du Nigéria n'ont pas épargné les personnes déplacées par la crise sécuritaire dans l'État de Borno. Deux mois après avoir échappé à la montée des eaux, elles sont maintenant confrontées à l'insécurité alimentaire.
17 Janvier 2025
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La saison des pluies touche finalement à sa fin dans l'État de Borno, au nord-est du Nigéria. Les niveaux d'eau de la rivière Ngadda, qui traverse la ville de Maiduguri, ont baissé mais les conséquences des inondations qui ont submergé la ville en septembre sont encore visibles partout.

Dans le quartier de Biafra, près du marché principal de la ville, Sali Umar nous fait visiter son quartier et sa maison, dont seule la façade est encore debout. La porte de sa maison s'ouvre sur une scène de désolation. Les ruines de son ancienne maison se mêlent à celles des maisons voisines.

« L'eau a tout emporté. J'ai tout perdu », explique-t-il. « Toute ma famille et moi vivons chez des voisins. »

Dans cette région aride du Sahel, les fortes pluies ne sont pas rares entre juillet et septembre. Mais les effets du changement climatique ont accentué leur intensité et leur fréquence. La montée des eaux, provoquée par les pluies incessantes, s'est muée en catastrophe le 9 septembre lorsque le barrage d'Alau s'est rompu, libérant des eaux de crue qui ont tout emporté sur leur passage. Les inondations ont affecté près de 420 000 personnes dans le seul État de Borno et ont fait près de 1 000 morts, selon l'Autorité nationale de gestion des urgences.

Seule la façade de la maison de Sali Umar a été épargnée par les inondations. Lui et sa femme sont hébergés dans la cour d'un voisin.

« J'ai tout perdu. »

Sali Umar

Abris détruits

Les inondations survenues la nuit de la rupture du barrage ont pris tout le monde par surprise, y compris les personnes déplacées vivant dans le camp d'El Miskin, au nord de Maiduguri.

Fanne Mohamed, 40 ans, dormait dans son abri avec ses huit enfants lorsque les eaux de crue sont arrivées. « Lorsque j'ai réalisé ce qui se passait, j'avais de l'eau jusqu'à la poitrine », raconte-t-elle. « Le courant était si rapide que je n'aurais pas eu le temps de crier si j'avais été emportée. Mais j'étais surtout paniquée à l'idée que le courant puisse emporter les enfants. Nous avons quitté le camp le plus vite possible, les plus grands portant les plus jeunes ».

Fanne et ses enfants ont trouvé refuge sur une hauteur près de la route qui longe le camp, où ils ont attendu une semaine avant d'être autorisés à y retourner. Ils ont survécu pendant sept jours grâce à la nourriture et à l'eau potable apportées par des voisins. Son mari Zakariyya, qui était parti chercher du travail au moment des inondations, les a rejoints une semaine plus tard.

Fanne et Zakariyya sont arrivés au camp d'El Miskin en 2014 après avoir fui les massacres perpétrés par les militants de Boko Haram dans la ville de Dikwa, près des frontières avec le Cameroun et le Niger. Ils vivent aux côtés de familles venues de tout l'État de Borno, où le groupe armé est toujours actif à l'extérieur des villes, menant des attaques et des enlèvements qui ont poussé près de 2 millions de Nigérians à l'exil depuis 2009.

« Quand j'ai réalisé ce qui se passait, j'avais de l'eau jusqu'à la poitrine. »

Fanne Mohamed

Une grande partie des personnes déplacées ont trouvé refuge auprès de leurs familles à Maiduguri et dans le camp d'El Miskin, où 6 900 personnes sont installées. La plupart d'entre eux sont des agriculteurs et des éleveurs qui n'ont pas pu retourner dans leur région d'origine.

Lorsque l'eau s'est finalement retirée à la mi-septembre, Fanne et sa famille sont retournées au camp pour trouver leur abri complètement détruit. Construit en paille, comme la plupart des maisons du camp, il avait été emporté par les eaux. « Nous avons emménagé dans l'abri de ma sœur parce que nous n'avions plus rien pour reconstruire le nôtre », explique Fanne.

Par la suite, elle et sa famille ont fait partie des 21 000 ménages déplacés dans la région de Borno qui ont pu bénéficier d'un kit du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, comprenant des couvertures, des moustiquaires et des nattes de couchage. Ils ont également reçu une bâche pour les aider à reconstruire leur abri.

Depuis, la famille essaie de reprendre sa vie en main du mieux qu'elle peut. Comme la plupart des enfants du camp, ceux de Fanne ne sont pas retournés à l'école depuis les inondations. « Chaque matin, les enfants partent à la recherche de petits boulots. Il faut deux ou trois jours pour trouver un travail qui rapporte 2 000 nairas (1,22 dollar) par jour », explique-t-elle.

La faim augmente

C'est également le cas de Rukaiya Lawan, 14 ans, qui vit un peu plus loin dans le camp. Elle a grandi ici avec sa grand-mère, qui les a emmenés, elle et ses deux frères, après que son père et sa mère ont été tués à Chibok, ville tristement célèbre pour l'enlèvement de 276 adolescentes par Boko Haram.

Le quotidien de Rukaiya est fait de tâches ménagères et de petits boulots, comme la vente d'arachides, ainsi que de soins apportés à sa grand-mère qui est tombée malade après les inondations. Ses deux frères, Moussa, 20 ans, et Garba, 18 ans, travaillent dans les champs autour de la ville pour aider à nourrir la famille. « Après les inondations, nous n'avions rien à manger, nous avions tout perdu. Nous n'avions plus d'argent pour payer les frais de scolarité. Nous avons survécu grâce à l'aide des gens », raconte Rukaiya.

 

« Après les inondations, nous n'avions rien à manger. »

Rukaiya Lawan

Deux mois après les inondations qui ont détruit les récoltes, les prix des denrées alimentaires ont fortement augmenté pour les familles les plus pauvres, et la faim est en train de s'installer. Cette région, qui était autrefois le grenier à blé du pays, connaît aujourd'hui une explosion des taux de malnutrition infantile. Rien qu'à Maiduguri, plus de 18 000 enfants ont été traités pour malnutrition aiguë à la suite des inondations, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). Entre mai et septembre 2024, plus d'un demi-million d'enfants (lien en anglais) de moins de cinq ans ont été traités pour malnutrition aiguë dans les États de Borno, Adamawa et Yobe. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies et d'autres agences des Nations unies ont mis en garde contre une catastrophe alimentaire et nutritionnelle (lien en anglais) potentielle en l'absence d'une aide immédiate.

Déjà frappées par un double fléau, les populations déplacées du nord du Nigéria, anciens agriculteurs et éleveurs qui ont nourri la région pendant des décennies, sont désormais confrontées à une crise alimentaire sans précédent.