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En cultivant le riz, des réfugiés du Soudan du Sud renforcent les liens avec la communauté hôte en Ouganda

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En cultivant le riz, des réfugiés du Soudan du Sud renforcent les liens avec la communauté hôte en Ouganda

Un programme visant à promouvoir la production de riz réunit des réfugiés et des agriculteurs locaux.
18 Avril 2019 Egalement disponible ici :

Queen Chandia, réfugiée du Soudan du Sud, balaie le champ de son regard puis se penche pour inspecter les pousses vertes qui sortent de terre. Ici en Ouganda, cette terre n'est pas la sienne, mais le riz qui y germe lui appartient. Grâce à la générosité de ses voisins, Queen Chandia en fait suffisamment pousser pour subvenir aux besoins des 22 enfants réfugiés dont elle a la charge.


« Le riz est tellement rentable pour moi en ce moment », se réjouit Queen Chandia, 34 ans, qui a fui le conflit au Soudan du Sud et a trouvé refuge en Ouganda dès son plus jeune âge au début des années 90. « Ce que je cultive en parallèle, c’est juste pour compléter la nourriture qu'on nous donne. Mais je cultive le riz et l’utilise comme source de revenus. »

Queen Chandia n'a pas toujours cultivé le riz. Elle a passé la majeure partie de sa vie à cultiver du maïs, du sorgho et des arachides sur sa parcelle à Oliji, un camp situé dans une région du nord de l'Ouganda qui abrite maintenant plus d'un million de réfugiés originaires du Soudan du Sud.

Alors que des vagues de violence frappaient son pays, année après année, Queen Chandia a accueilli des enfants réfugiés dans sa ferme - des orphelins et des mineurs non accompagnés qui n'avaient nulle part où aller. Ils se sont joints à ses trois enfants et sont devenus des membres de sa famille. Contre toute attente, Queen Chandia se retrouva la mère de 22 enfants.

« Nous partageons tout avec les réfugiés. »

« Dieu a vu que j'ai ce cœur de mère », dit Queen Chandia qui a personnellement payé les frais médicaux et scolaires des enfants, et qui a veillé à ce qu'ils soient correctement nourris, habillés et soignés. « C'est peut-être la raison pour laquelle Dieu m'a envoyé tous ces enfants. »

Queen Chandia a reçu une aide alimentaire du Programme alimentaire mondial et a cultivé des terres appartenant à son voisin ougandais. La jeune femme a vendu les récoltes excédentaires, mais avec la chute des prix du maïs et du sorgho, Queen Chandia a eu du mal à joindre les deux bouts. Puis, en 2014, tout a changé.

Queen Chandia a été sélectionnée pour participer à un projet de promotion du développement du riz (PRiDe), une initiative de l'Agence japonaise de coopération internationale (AJCI) qui vise à promouvoir la production de riz parmi les réfugiés et les agriculteurs ougandais. Le riz est une culture prioritaire pour l'Ouganda et le cultiver signifie que les réfugiés peuvent contribuer à l'économie locale et aider le pays à atteindre ses objectifs de développement. Pour Queen Chandia, ce fut aussi une occasion en or de s'assurer des revenus.

« Le riz est une culture vivrière et une culture destinée à la vente », explique Minoru Yoshino, conseiller principal du projet PRiDe, qui a formé plus de 50 000 agriculteurs depuis son lancement en 2011. « [Le faire pousser] améliore la sécurité alimentaire et les moyens d'existence des réfugiés comme des Ougandais. »

Queen Chandia s'est rendue sur des terres en périphérie de Kampala où elle a appris à cultiver le riz. S'entraînant avec un groupe de réfugiés et d'Ougandais, elle a appris à préparer la terre et à semer en ligne droite, ce qui a facilité la récolte et le désherbage.

A la fin de la formation, le groupe a reçu un sac de semences de riz à utiliser. Cependant, Queen Chandia n'avait pas assez de place pour semer sur son terrain. Elle s'est adressée à Samuel Lagu, un agriculteur ougandais également inscrit au programme de formation, qui a accepté de lui céder un tiers de ses terres, ainsi qu'à deux autres réfugiés, pour cultiver du riz. Pour Samuel, c’était un geste naturel.

« Nous partageons tout avec les réfugiés », dit Samuel, dont l'expérience d'avoir reçu de l'aide en tant que réfugié au Soudan du Sud dans les années 80 l'a incité à rendre la pareille. « Nous n'allons pas les refuser, ils sont nos frères. Je donne des terres aux réfugiés parce qu'ils n'ont pas de terres ici en Ouganda. »

« Maintenant, nous savons comment semer, désherber, récolter, stocker et bien sécher », poursuit-il. « C'est grâce à la présence des réfugiés que nous avons pu bénéficier de cette formation, c'est pourquoi nous travaillons maintenant ensemble. »

« Maintenant nous savons comment semer, désherber, récolter. »

Queen Chandia passe maintenant chaque week-end avec ses enfants à la ferme de Samuel, s'occupant de deux acres de rizières. De nombreux voisins de Samuel ont cédé des terres à d'autres réfugiés dans le cadre d'arrangements individuels où aucun loyer n’est perçu de la part de qui que ce soit. Pour Queen Chandia, comme pour Samuel, partager la terre est quelque chose de naturel.

« C'est facile, nous partageons, ‘qui se ressemble s’assemble’ », s’enchante Queen Chandia, qui affirme que les cultures, la langue, les coutumes et les modes de vie étroitement liés contribuent également à favoriser les relations étroites entre les Soudanais du Sud et les Ougandais. « Sans frontière, nous sommes les mêmes. »

Le projet de promotion du développement du riz porté par l’AJCI incarne l’exemple-type du partenaire de développement qui travaille avec le gouvernement et le HCR pour soutenir à la fois les réfugiés et les communautés hôtes en Ouganda. Cette approche vise à favoriser la coexistence pacifique entre les groupes et s'inscrit dans le cadre d'une réponse plus large aux mouvements de réfugiés connue sous le nom de Cadre d'action global pour les réfugiés, ou CRRF.

Depuis la formation, Queen Chandia a vu son rendement doubler. Grâce à la terre et au riz qu'elle y cultive, elle a pu se diversifier dans l'élevage de porcs, de chèvres et de moutons. Elle prévoit d'acheter une vache avec le produit de sa prochaine récolte.

Les revenus supplémentaires tirés du riz ont également permis à Queen Chandia de construire une maison pour les enfants et de les maintenir tous scolarisés. En retour, les enfants donnent un coup de main à la ferme en fin de semaine et pendant les vacances. Aujourd'hui, Queen Chandia se tourne vers la nouvelle génération qu'elle a élevée pour reprendre un jour le flambeau de l'agriculture.

« Quand je vois mon riz, aussi bon soit-il, cela me remplit de joie », partage Queen Chandia, ajoutant qu'elle espère que ses enfants transmettront tout ce qu'ils ont appris d'elle sur l'agriculture. « J'espère que ce que nous faisons ici, mes enfants en font aussi l'apprentissage. Et qu'ils deviendront de futurs enseignants. »