Anas

Anas: père de famille et ingénieur en construction

Anas a la discrétion des hommes courtois mais quand il nous parle de ses parents restés en Syrie, la voix se fait plus hésitante et une profonde émotion se lit dans ses yeux.

« Je travaillais comme ingénieur en construction et ma femme était pharmacienne. Je me suis opposé à la dictature en Syrie et j’ai notamment été emprisonné pour cela. Nous n’étions plus en sécurité. De plus, après 4 ans de tensions et de guerre en Syrie, les conditions de vie sont devenues vraiment pénibles avec des pénuries d’électricité et de mazout et une augmentation croissante du coût de la vie. J’ai décidé de partir. Je n’avais pas d’autre choix. Je suis parti seul vers la Turquie le 11 août 2015.

En Turquie, je me suis retrouvé aux mains des passeurs et nous avons fait le voyage en Grèce par bateau (moi qui ne savais pas nager…). Nous étions un petit groupe. Tous ensemble, nous avons décidé d’affronter le danger. De Grèce, je suis d’abord arrivé en Allemagne. Et j’ai continué vers la Belgique où mon père avait des amis.

Arrivé à Bruxelles, j’ai été reçu par deux familles belges qui m’ont accueilli tellement gentiment qu’ils sont devenus comme ma propre famille. J’ai eu la chance d’avoir ce soutien moral parce que la procédure de demande d’asile a pris beaucoup de temps. A l’époque il y avait beaucoup de réfugiés, les familles étaient prioritaires et ma première interview a été reportée trois fois. J’ai finalement obtenu mon statut de réfugié fin février 2016 et, un mois plus tard, j’ai publiquement témoigné de ma solidarité avec les victimes des attentats de Bruxelles. J’ai dû attendre un an avant que ma femme et mon fils puissent me rejoindre.

J’ai pris des cours intensifs de français et j’ai cherché à valoriser les compétences que j’avais déjà dans le domaine de la construction et, après de longues démarches administratives, j’ai obtenu la reconnaissance de mon diplôme d’ingénieur. Ma femme a pu s’inscrire en Master en pharmacie et elle prend des cours de français. Notre fils est en 2ème maternelle et parle déjà mieux français que ses parents ! En 2017, j’ai commencé à travailler avec des contrats temporaires à la Loterie Nationale. Et puis, avec l’aide de mon chef de service qui appréciait mon travail, j’ai cherché un emploi plus stable. A force de chercher, j’ai fini par trouver une place comme ingénieur-technicien de chantier dans une grande société de construction avec laquelle j’ai signé, il y a près d’un an, mon premier CDI.

Beaucoup de gens pensent que les réfugiés viennent en Europe pour profiter. Mais nous n’avons pas choisi de fuir notre pays. Changer de vie du jour au lendemain n’est pas facile du tout. Aujourd’hui, on vit ici, normalement, en paix et en sécurité et on contribue à la société en travaillant. »