Cameroun : des réfugiés centrafricains rapatriés, prêts à rallumer l’espoir en RCA
Cameroun : des réfugiés centrafricains rapatriés, prêts à rallumer l’espoir en RCA
La famille Seregaza a fui la République centrafricaine après la mort de leur père. Aujourd'hui, ils sont heureux de rentrer chez eux.
Depuis les centres de transit de Gado Badzéré, Ngam et Lolo, des centaines de réfugiés centrafricains prennent le chemin du retour volontaire vers leur pays d’origine. Derrière chaque départ se cache une histoire de résilience, mais aussi de préparation minutieuse, rendue possible grâce aux solutions durables mises en œuvre par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans la région de l’Est du Cameroun.
Parmi les 254 personnes embarquées dans le dernier convoi, Erica SEREGAZA, 19 ans, incarne cette transition vers une nouvelle vie. « Je suis fière de retourner à PK12 à Bangui. Je vais me reconstruire dans mon pays », confie-t-elle, entourée de sa mère, de ses trois sœurs et de ses trois frères.
De l’exil à l’autonomie
Depuis 2013, la République centrafricaine traverse une crise complexe marquée par des violences armées et intercommunautaires, compromettant la stabilité du pays. Plus de 441 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du territoire et plus de 664 000 ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont plus de 277 000 au Cameroun. Le HCR travaille en étroite collaboration avec les autorités et les partenaires pour renforcer la protection et promouvoir des solutions durables.
La famille SEREGAZA a fui la République centrafricaine en 2021 après la mort tragique du père d’Erica, victime du conflit armé. Installés dans le site de réfugiés de Gado Badzéré, ils ont bénéficié d’une protection internationale et d’un accompagnement humanitaire qui leur ont permis de se relever.
« Nous sommes arrivés sans savoir lire ni écrire. Grâce à l’aide du HCR et de ses partenaires, mes frères et sœurs ont pu aller à l’école. Aujourd’hui, nous avons des compétences qui peuvent nous aider à gagner notre vie », raconte Erica.
Mais au-delà de l’éducation formelle, Erica a aussi bénéficié d’activités d’inclusion socio-économique. Elle a appris la coiffure dans le cadre d’ateliers extrascolaires organisés par les partenaires du HCR. « Pour ce voyage, j’ai coiffé ma mère et mes sœurs. Je sais que je peux me débrouiller. Mais je ne vais pas arrêter mes études pour autant », affirme-t-elle.
Son frère Christopher, 17 ans, élève en 6e au Collège d’Enseignement Secondaire de Gado, partage cet optimisme. « Je suis heureux de retourner en RCA. Je vais continuer mes études et devenir ingénieur en bâtiment », dit-il avec assurance.
Un retour préparé avec dignité
Le retour volontaire des réfugiés centrafricains ne se limite pas à un simple déplacement. Il s’inscrit dans une stratégie de solutions durables qui assure l’accès aux droits et services de base dans le pays hôte et vise à garantir une réintégration réussie dans le pays d’origine. À Gado, Ngam et Lolo, le HCR a mis en place des programmes de formation professionnelle, de soutien psychosocial, et de préparation au retour, incluant des séances d’information, des visites de reconnaissance, et des appuis logistiques.
Dans la façade Est, plus de 123.000 enfants d’âges scolaires (préscolaire, primaire et secondaire) ont été enregistrés au cours de l’année scolaire 2024-2025. Malgré les efforts du HCR et de ses partenaires, seulement 22.000 enfants du primaire et 5.379 jeunes du secondaire ont bénéficié d’interventions directes. Au total, 27.682 enfants et adolescents ont pu être scolarisés grâce à ces appuis. Cela signifie que plus de 90.000 enfants restent en dehors du système scolaire, soulignant l’ampleur des besoins persistants en matière d’éducation dans les zones d’accueil.
Avant leur départ, Erica a reçu un colis symbolique du Ministre de l’Administration territoriale du Cameroun pour l’aider à poursuivre ses études. Ce geste souligne l’engagement des autorités camerounaises aux côtés du HCR pour assurer un retour digne et sécurisé.
Des parcours de résilience depuis Ngam et Lolo
Au centre de transit de Ngam, BEKESSE Dieudonné raconte son exil de neuf ans. « J’ai fui la guerre avec mes parents. Nous avons été bien accueillis au Cameroun. Mes enfants ont été scolarisés, j’ai reçu des transferts monétaires, de la nourriture, et même une carte SIM pour les paiements mobiles », explique-t-il.
Malgré une opération intestinale qui l’a rendu temporairement invalide, Dieudonné garde l’espoir. « Je suis heureux de retourner en RCA. Je vais rester avec mes frères le temps de me rétablir, puis je cultiverai mes champs ou je ferai du commerce », dit-il.
Arnold et sa famille se préparent à rentrer chez eux en République centrafricaine après 11 ans passés en tant que réfugiés au Cameroun.
Depuis Lolo, FEUMONA Arnold partage une autre facette de la résilience. Arrivé au Cameroun il y a 11 ans, il a appris la pâtisserie à Yaoundé avant de travailler à Batouri. « Le salaire a baissé, la vie est devenue difficile. J’ai décidé de rentrer pour mettre en pratique ce que j’ai appris ici », confie-t-il.
Arnold est père de trois enfants et a bénéficié d’un mariage collectif organisé par le HCR en partenariat avec les autorités locales. « Le Cameroun m’a offert de bons souvenirs. Dieu m’a béni avec une famille. En RCA, je vais commencer à faire des gâteaux », dit-il avec émotion.
Une solution durable en marche
Le retour volontaire est l’une des solutions durables promues par le HCR, aux côtés de l’inclusion et de la réinstallation. Depuis le lancement du programme en 2019, plus de 22 000 réfugiés centrafricains ont été rapatriés en toute sécurité et dignité.
En 2024, 6 939 personnes ont été rapatriées à travers 23 convois organisés depuis les centres de Gado et Lolo. En 2025, ce chiffre dépasse déjà les 9 000 individus, répartis sur plus de 35 convois, illustrant ainsi l’intérêt exprimé par plus de 60 000 réfugiés centrafricains désireux de rentrer chez eux et de reprendre le cours de leur vie.
Ces chiffres témoignent d’une dynamique encourageante en matière de solutions durables pour les réfugiés centrafricains. Toutefois, ce sont les récits individuels qui donnent tout leur sens à ce mouvement. Des jeunes comme Erica, Christopher et Arnold, ou encore des parents comme Mariette et Dieudonné, incarnent l’espoir d’un avenir meilleur. Leur parcours reflète la force de la résilience et la volonté de reconstruire une vie là où tout avait été perdu.
Alors que ces familles regagnent la République centrafricaine, leur courage nous rappelle que la solidarité internationale est essentielle. Cette dynamique doit s’accompagner d’un engagement collectif, fondé sur la responsabilité partagée de soutenir la reconstruction et garantir un avenir meilleur sans laisser personne de côté.